Maison tellier

Extrait du commentaire composé
Dans ce passage on ne peut que songer aux larmes de Marie-Madeleine aux pieds de Jésus. Tout comme le Christ qui relève la pécheresse, le prêtre qui les remercieredonne une place dans la société aux « filles Tellier ».

Texte étudié: Guy de Maupassant : « La maison Tellier » (II) : « Le passage de la messe »

C’est alors que Rosa, le front dans ses mains, se rappelatout à coup sa
mère, l’église de son village, sa première communion. Elle se crut revenue
à ce jour-là, quand elle était si petite, toute noyée en sa robe blanche, et
elle se mit à pleurer. Ellepleura doucement d’abord : les larmes lentes
sortaient de ses paupières, puis, avec ses souvenirs, son émotion grandit,
et, le cou gonflé, la poitrine battante, elle sanglota. Elle avait tiré sonmouchoir, s’essuyait les yeux, se tamponnait le nez et la bouche pour ne
point crier : ce fut en vain ; une espèce de râle sortit de sa gorge, et deux
autres soupirs profonds, déchirants, luirépondirent ; car ses deux
voisines, abattues près d’elle, Louise et Flora étreintes des mêmes
souvenances lointaines gémissaient aussi avec des torrents de larmes.
Mais comme les larmes sont contagieuses,Madame, à son tour, sentit
bientôt ses paupières humides, et, se tournant vers sa belle-soeur, elle vit
que tout son banc pleurait aussi.
Le prêtre engendrait le corps de Dieu. Les enfantsn’avaient plus de
pensée, jetés sur les dalles par une espèce de peur dévote, et, dans
l’église, de place en place, une femme, une mère, une soeur, saisie par
l’étrange sympathie des émotions poignantes,bouleversée aussi par ces
belles dames à genoux que secouaient des frissons et des hoquets,
trempait son mouchoir d’indienne à carreaux et, de la main gauche,
pressait violemment son coeurbondissant.
Comme la flammèche qui jette le feu à travers un champ mûr, les larmes
de Rosa et de ses compagnes gagnèrent en un instant toute la foule.
Hommes, femmes, vieillards, jeunes gars en blouse…