Marguerite duras
Quelques semaines avant que n’éclate la Première Guerre mondiale, elle naquit le 4 avril 1914 à Gia-Dinh, une localité de la banlieue nord de Saigon où elle vécut jusqu’à l’âge de sept ans, sesparents, qui étaient enseignants, étant venus dans la Cochinchine française (qui fait partie aujourd’hui du Viêtnam) parce qu’ils avaient été séduits par le mirage des colonies. Elle présenta ainsi sa mère: «Fille de paysans, elle avait été si bonne écolière que ses parents l’avaient laissée aller jusqu’au brevet supérieur. Après quoi elle avait été institutrice dans un village du nord de la France.On était alors en 1899. Certains dimanches, à la mairie, elle rêvait devant les affiches de propagande coloniale : « Jeunes, allez aux colonies, la fortune vous y attend. » À l’ombre d’un bananiercroulant sous les fruits, le couple colonial, tout de blanc vêtu, se balançait dans des rocking-chairs tandis que les indigènes s’affairaient en souriant autour d’eux. Elle se maria avec un instituteur qui,comme elle, se mourait d’impatience dans un village du Nord, victime comme elle des ténébreuses lectures de Pierre Loti !.»
C’était Henri Donnadieu, professeur de mathématiques originaire deVilleneuve sur Lot qui fit carrière au Tonkin, en Cochinchine et au Cambodge, fut nommé directeur de l’enseignement en Cochinchine. Mais, victime d’une dysenterie amibienne, il fut rapatrié en France. Aprèsson départ, la vie de sa femme, Marie Legrand, et de leurs enfants, Pierre (qu’elle adorait), Paul et Marguerite, alors âgée de quatre ans, changea dramatiquement : ils ne pouvaient plus demeurerdans une maison de fonction luxueuse et s’installèrent à Sadec où leur vie, précaire et difficile, devint celle des «petits blancs», guère meilleure que celle des indigènes qui les entouraient, desquelsils se sentaient plus proches que des riches coloniaux. La mère, institutrice, accepta des postes dangereux dans la brousse. Une petite mendiante de dix-sept ans lui donna son bébé malade avant de…