Mauriac

Le narrateur, étant un avocat, le style, un peu grandiloquent, est celui dont on use dans les prétoires et dans les romans à thèse. Quelques passages, quelques phrases ne manquent certes pas d’unecertaine emphase : «Morte Marinette, mort Luc, morte Isa, morts ! morts ! et moi, vieillard debout à l’extrême bord de la même fosse où ils s’étaient abîmés» (p. 248). Il pratique assidumentl’antithèse, procédé typique des plaidoiries d’audience et des démonstrations didactiques, frappe des formules volontiers paradoxales («envier des êtres que l’on méprise», page 92 – «nous ne savons pas ce quenous désirons, nous n’aimons pas ce que nous croyons aimer», page 240 – etc.).
Mais, de même que cet avare et ce calculateur parvient à se détacher des biens matériels, de même le brillant tribunéchappe aux envolées oratoires pour atteindre à un lyrisme poétique et mélodique : «Je descendis vers la terrasse. De grêles arbres à fruits se dessinaient vaguement au-dessus des vignes. L’épaule descollines soulevait la brume, la déchirait… » (page 68, ou encore pages 45-46, 119, etc.).
Le plus souvent, cependant, par souci d’efficacité, de brutalité aussi, le style se fait sec, dur, concentré.Ainsi les petites phrases parataxiques du début (pages 12, 13) ; ainsi ces maximes cinglantes lancées à la volée comme pour arrêter tout épanchement impudique : «J’avais horreur des sentiments» (page25) – «c’est la maternité qui l’a rendue à la nature» (page 59) – «c’était vrai, et ce n’était pas vrai» (page 204) – «maintenant, c’était fini» (page 215).
Une des exceptions à cette règle dudépouillement stylistique est constituée par la fréquence des comparaisons et des métaphores. Luc « sortait des mains du potier, intact et d’une parfaite grâce. » Louis se décrit «Comme un chien aboie à lalune», «fasciné par un reflet», pareil à «ces jeunes bêtes que le chasseur attache et abandonne dans les ténèbres pour attirer les fauves». Et se détache en particulier la métaphore du «nœud de…