Montesquieu « de l’esclavage des nègres »
Ce document se rapporte à la sphère sociale. L’auteur est Montesquieu, célèbre penseur et philosophe français (1685-1755) des Lumières. Il est connu pour ses idées de libéralisassions et pour sa théorie des climats. Celle-ci est soulignée dans De l’Esprit des lois et fait office de tremplin aux sciences sociales modernes. Cet extrait est tiré de De l’Esprit des lois, œuvre majeure de Montesquieu,qui paraît pour la première fois à Genève en 1748. L’œuvre fut publié anonymement. C’est un texte littéraire dont cet extrait pourrait être qualifié de polémique : l’auteur défend son point de vue sur l’esclavage en utilisant un ton ironique. Il est destiné à un public lettré et engagé.
Ce texte critique les arguments démontrant que les Noirs ne sont pas égaux aux Blancs et que par conséquent,il est normal de les réduire en esclavage. Pour les Blancs, ils ne seront jamais perçus comme des hommes. La question que soulève ce texte pourrait être « les arguments cités dans le texte sont-ils réellement valables, ou est-ce plutôt un prétexte afin que les Blancs puissent exploiter les Noirs ? »
A l’époque où ce texte est publié, la traite négrière est à son apogée. En effet, c’est aucourt du XVIIIe siècle que le commerce des esclaves atteint son plus haut sommet ; près de cinq millions d’Africains sont déportés en Europe et en Amérique contre dix fois moins entre le XVIe et le XVIIe siècle. La France, l’Angleterre et le Portugal sont les plus grandes nations de la traite négrières. Comme la traite se fait de plus en plus visible, il est évident que les penseurs de l’époquecommencent à s’intéresser à ce sujet. Afin de lutter contre le développement de la traite, un mouvement abolitionniste apparaît au XVIIIe en Angleterre puis en France. Le siècle des Lumières remet en questions l’Homme et les mœurs de son époque, il dénonce de ce fait l’inhumanité et l’inégalité de la traite. Ainsi Montesquieu révèle, à travers ces propos ironiques, les absurdités de l’esclavage et faitprévaloir des idées de justice, de tolérance et de liberté.
Il est évident que lorsque l’on lit la première phrase du texte, commençant par « Si j’avais […] » (l.1-2), que Montesquieu n’est pas d’accord avec le discours qu’il va prononcer. Et de ce fait, son texte est ironique. Il utilise ce moyen, et la publication anonyme, afin de pouvoir dénoncer, indirectement, les injustices que subit lepeuple noir. Il n’est pas le seul à utiliser ce système, car il est courant, aux des Lumières, que les philosophes aient recours à la dérision, l’anonymat et d’autre méthodes afin de pouvoir publier leurs œuvres et passer un massage sans être soumis à la censure.
Montesquieu aborde en premier lieu le coté économique et historique de la traite. Il fait référence aux Grandes Découvertes du XVIesiècle. A la première lecture, cet argument pourrait être valable, mais dès la seconde on se rend compte que finalement ce n’est pas le cas. Le verbe « devoir » n’est plus admissible car il est possible d’exploiter des terres sans soumettre le peuple qui y habite en esclaves. S’ils n’avaient pas « exterminé » les Américains ils n’auraient pas eu besoin d’aller chercher des Africains pour ensuiteles réduire à l’esclavage. Il désigne ici le commerce triangulaire entre l’Europe, l’Amérique et l’Afrique. Montesquieu soulève aussi que du point de vue économique, sans les esclaves le sucre, et la plupart des produits « seraient trop chers » (l.5) et que sans eux ils ne pourraient pas « défricher tant de terres » (l.4). Sans esclaves, tout deviendrait plus cher, et le travail plus pénible pourles Blancs (absence de main d’œuvre). L’esclavage a donc pour but de réaliser un profit.
Le physique est l’une des caractéristiques les plus développé dans l’extrait. Les esclaves « sont noirs depuis les pieds jusqu’à la tête ; et ils ont le nez si écrasé qu’il est presque impossible de les plaindre» (l.6-7). Les Blancs se voient comme un model ethnique supérieure et de ce fait ne peuvent pas…