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INTRODUCTION

L’idée d’une philosophie africaine, qu’on le veuille ou pas, compte au nombre des différents questionnements de l’homme d’aujourd’hui. Cela veut dire que le problème de l’existence de la philosophie africaine est posé, et qu’il s’agit maintenant de s’interroger sur sa pertinence au non, sur la manière dont cette idée a été appréciée par les uns et les autres à travers l’histoirede son évolution et enfin du «qu’en est-il de cette idée ou problème aujourd’hui ?»

I.HISTORIQUE DU PROBLEME DE LA PHILOSOPHIE AFRICAINE

Pertinente ou saugrenue, l’idée d’une philosophie africaine a fait couler beaucoup d’encre et de salive, ceci depuis le contact de l’Afrique avec l’Occident.
Dès le départ les explorateurs occidentaux et après eux les colons qui envahirent le continentafricain considéraient à peine le nègre comme un homme. Et c’est cette même logique qui les amena sans doute à refuser aux noirs toute civilisation et toute culture. De sorte que la colonisation se fixait comme objectif de civiliser un noir à peine sorti de l’animalité, par conséquent dépourvu de culture, de littérature, de philosophie, bref de tout ce dont un homme civilisé doit disposer. Mais cen’est là qu’un européocentrisme qui veut que tout soit jugé à partir de l’Europe et de ses valeurs. Pascal ne disait-il pas « vérité au deçà des Pyrénées, erreur au-delà»? Quelle compréhension les explorateurs et les colons avaient-ils de cette pensée?
S’agissant de l’existence de la philosophie africaine la position adoptée par les penseurs occidentaux, à travers l’histoire, mérite une attentionparticulière. En fait ce n’est pas parce que les uns et les autres ont été tous favorables à l’existence d’une philosophie africaine, mais simplement parce qu’une réflexion objective sur ce problème se doit de recueillir tous les avis, du moins les plus connus peu importe qu’ils soient favorables ou défavorables.
Sous ce rapport Hegel (philosophe allemand 1779-1831) est sans doute l’auteur le plusconnu, avec d’autres très célèbres aussi, dans ce camp de ceux qu’on appelle les européocentristes comme le sociologue français Lucien Lévy-Bruhl (1857-1939) et Martin Heidegger (philosophe allemand (1889-1976).
Hegel avait affirmé dans Les leçons sur l’histoire de la philosophie que la pensée et la philosophie sont du domaine exclusif de l’Occident. Pour lui l’existence de la philosophiedépend d’un certain nombre de données géographiques comme conditions favorables ou défavorables. Au nombre des conditions défavorables à l’éclosion de la philosophie il y a :
-le haut pays, fait de steppes et de désert ;
– les plaines et les vallées, c’est-à-dire des plaines coupées par des rivières, marécages entraînant des conditions d’échanges et de voyage difficiles.
Par contre la régioncôtière, pays ayant la mer comme facteur d’unité est très favorable à la philosophie. Car selon Hegel «outre la facilité de communication, la mer présente d’énormes avantages pour le développement des peuples côtiers, elle donne la représentation de l’indéterminé, de l’illimité et de l’infini. Elle invite l’homme à la conquête, au brigandage et à la recherche du gain. Elle élargit les idées et rompt lesdépendances auxquelles sont soumis les habitants des plaines et des vallées ». Pour Hegel aussi rappelle le même auteur : «l’Afrique est un continent anhistorique… où l’idée n’a pas encore émergé ». Cela veut dire que selon Hegel «le Nègre ne peut pas accéder à la rationalité. Il manque d’objectivité, ne reconnaît pas l’univers et ignore complètement la notion de transcendance».
Après Hegel,Lucien Lévy-Bruhl a soutenu que « tous les primitifs africains, Australiens, habitants de l’Egypte Ancienne et du Mexique précolombien n’étaient dotés que d’une mentalité prélogique (fondée sur le principe de participation et ignorant celui de contradiction) et qualitativement différente de la logique propre aux Européens civilisés ».
Et c’est Martin Heidegger qui va apporter la conclusion…