Nuit de mai commentaire
Alfred de Musset est l’un des auteurs les plus emblématiques de ce qu’on a appelé « le mal du siècle ». Il s’agit pour les auteurs romantiques de désigner un état mélancolique inséparable de la recherche poétique. Dans ce passage de La nuit de mai, Musset donne la parole à une muse qui s’adresse au poète et l’exhorte à puiser dans sa propre souffrance l’inspiration qui doit nourrir sacréativité. Elle fait appel, pour sa démonstration, à la métaphore du pélican, se sacrifiant pour nourrir ses petits. Il est donc question pour l’auteur, avec ce poème lyrique en alexandrins, de décrire et définir ce qu’est la poésie romantique, à l’aune des principes qu’il met dans la bouche de cette muse. Nous verrons dans un premier temps que la poésie est une « mission nourricière », puis nous tenteronsde cerner les différents aspects du « sacrifice » qu’est alors la poésie, avant de nous pencher sur la dimension romantique de l’allégorie, qui caractérise avec lyrisme la figure du poète.
Le poète, à l’image du pélican, est en mission. Le pélican apparaît dès les premiers vers, fatigué d’une longue pêche. Le champ lexical de la lassitude, de la fatigue, tend à donner une image pathétique dece pêcheur : « lassé d’un long voyage »(v.3), « à pas lents »(v.10), « de son aile pendante »(v.11), « pêcheur mélancolique » (v.12) À cette pêche éreintante pour trouver de la nourriture, correspond la recherche de nourriture spirituelle du poète, sa « pêche » à l’inspiration. La poésie est un travail difficile, fatigant, et le poète revient tout aussi épuisé de ses recherches spirituelles quele pélican de sa pêche.
Pour l’un comme pour l’autre, cette recherche répond à une exigence pressante, urgente. Les petits du pélican sont « affamés »(v.5) : « ils courent à leur père avec des cris de joie »(v.8). L’utilisation du lexique de la joie, ici, fait contraste avec l’état de lassitude et de fatigue du pélican. De même, le poète a ses bouches à nourrir, son public, ses lecteurs, lasociété des hommes. Ceux-là aussi attendent de se réjouir des fruits de la poésie : « ils laissent s’égayer ceux qui vivent un temps » (v.33). On relèvera que la périphrase (ceux qui vivent un temps) désigne les hommes comme de simples mortels, par opposition, peut-être, à l’artiste immortel, mais probablement, déjà, cette gaîté des hommes fait-elle écho à la gaîté inconsciente des petits oiseaux.Cette inconscience affamée apparaît même ingrate : elle est cruelle pour celui qui sait, celui qui souffre. Les petits affamés secouent « leurs becs sur leurs goitres hideux ». Ainsi, les oisillons, innocents, deviennent un rien monstrueux, hideux. Leur voracité inconsciente éreinte le pélican, de même les hommes épuisent inconsciemment le poète.
Mais surtout, enfin, cette missionnourricière qui est celle du poète révèle toute sa cruauté à la lumière de la pénurie. Il arrive que le pêcheur ne ramène rien, et au moins aussi souvent, il arrive que l’inspiration manque à l’artiste. Bien que n’ayant pas ménagé ses efforts, le « pêcheur mélancolique » rentre bredouille : « en vain, il a des mers sondé la profondeur, l’océan était vide et la plage déserte » (V.14-15). Musset, avec l’emploide ce parallélisme (vide/déserte), insiste sur le caractère fatal de la mission du pélican, et donc du poète. La description du milieu naturel du pélican, les « brouillards du soir », les « roseaux » (v.4), la « roche élevée » (V.10), correspond à l’imaginaire romantique, il s’agit de mettre en rapport l’artiste et la nature, et la douleur provient de cette cruauté « naturelle », la misère. Iln’y a rien à pêcher, par conséquent, rien à manger. Mais avant de revenir sur le caractère proprement romantique de l’allégorie, intéressons-nous maintenant au sacrifice, à proprement parler.
J’ajoute ici la suite sous forme de plan (la rédaction complète suivra, dans quelques jours). Remarquez, que chaque paragraphe doit se composer ainsi :
Idée/argument en rapport avec l’axe de…