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L’heure du cru d’Azza Filali
La quête du récit

Azza Filali s’impose de plus en plus dans la scène littéraire maghrébine d’expression française. Auteure de Chroniques d’un Décalage, Monsieur L, le Jardin Ecarlate, le Voyageur Immobile et de tant d’autres nouvelles et romans, Azza Filali revient avec un nouveau né « l’heure du cru ».
« Mes livres ne se ressemblentjamais » dira cette auteure. Ainsi, partant de cette devise, l’auteure nous offre un nouveau roman qui se distingue de ces écrits précédents en livrant au lecteur une intrigue toute autre et une aventure différente dans l’écriture….surtout.
Le narrateur de « L’heure du cru » est un écrivain qui est confronté à la vacuité de la page blanche.il le dit bien « j’étais en panne depuis des mois, lesmots m’avaient quitté. Même l’alcool n’y faisait rien, je buvais tous les soirs puis m’endormais sur le divan face à la télévision ; mes pages demeuraient blanches ». Par ailleurs, la quête du récit pousse le narrateur à s’immiscer dans la vie des autres. Il se met donc à raconter l’histoire de Adel un adolescent qui a chambardé l’ordre conformiste dans la vie de son père, si Mahmoud et de sonprofesseur d’histoire. « À cet instant précis un désir oublié à mettre les mots sur le visage émacié du jeune homme connaitre son nom son histoire. Écrire ! ». Une soif qui ronge le narrateur habité par son texte qu’il entreprend de relire peut être de réécrire.
De ce point de vue, la question qui nous vient à l’esprit : Faut-il nécessairement partir d’une idée à défendre pour écrire ? Dansquelle mesure l’absence de sujet peut donner lieu à une œuvre littéraire foisonnante ? Azza Filali nous dévoile une nouvelle perception du travail de l’écriture. La vie ne devient qu’un prétexte pour mettre les mots, les arranger dans un roman. Elle emploie le terme « jointure » pour qualifier le rapport entre l’absence du sujet et l’œuvre elle-même. L’auteure de « l’heure du cru » soulignecette idée avec discernement «je suis persuadée qu’il doit y avoir une absence pour que la machine se mette en marche (…) ». Le malaise face à la page blanche est intrinsèque à l’écriture. A cet égard, Azza Filali ne crois pas à « la mise en mot d’un sujet tout prêt car tout acte d’écriture n’a pas besoin d’une anecdotique » .Ainsi, la vacuité de la page donne lieu à une œuvre qui cultive lefragmentaire, seul gage de son unité, et qui embrasse la conscience du narrateur observant la vie et la société.
Par un jeu de hasard, l’auteur l’écrivain croise ses protagonistes. Cette rencontre fortuite nous livre le tableau de toute famille tunisienne assujettit à un conformisme implacable et nous transmet le regard que le narrateur porte sur l’éducation et le décalage entre la génération. Cetteobservation de l’autre mène le narrateur à s’écarter de sa propre vie. D’après le personnage de Azza Filali y’a-t-il réellement un parti pris à vouloir représenter la réalité dans les détails les plus particuliers. Y’a-t-il une totale absence du narrateur qui préserve son anonymat derrière la trame du récit ? L’auteure de l’heure du cru récuse cette idée. En effet, «je ne prémédite pas les chosesque j’écris » Azza Filali « a horreur de délivrer des messages » ce qui vaut la peine « c’est l’expression d’un vécu (…) L’heure du cru est une tranche de vie où le narrateur raconte une histoire et se pose des questions ; on n’écrit pas des choses qui nous sommes étrangères » et « j’écris des choses que je sens dans mon texte ». De ce point de vue, le narrateur de l’heure du cru est fortementprésent il existe même « une dialectique entre l’écrivain et ce qu’il écrit ». La représentation authentique et objective de la réalité demeure presque impossible.
Le moi constitue désormais une partie prenante dans le roman d’Azza Filali. En rencontrant si Mahmoud, son fils Adel et le professeur d’histoire, l’auteur repense son rapport au monde. Observer les autres, c’est aussi une manière de…