Phedre
1ère L, 1ère S2 – SEQUENCE 2 – Phèdre – Texte 1 : scène d’exposition
Analyse linéaire de la scène d’exposition de Phèdre
Du début à « je ne la fuirais pas ».
Première scène = scène masculine, dans un acte dominé par la figure de Phèdre. C’est curieusement Hippolyte qui ouvre la pièce. Effet de suspens, l’héroïne n’arrivera que plus tard… (à la scène 3). Cependant, il faut se rappeler quele titre de la pièce originale est Phèdre et Hippolyte…
Première réplique :
« cher Théramène » : on se retrouve dans une configuration tout à fait classique de la scène d’exposition, un personnage central et son confident (ici, Théramène, le gouverneur d’Hippolyte) qui dans une conversation évoquent les personnages principaux de la pièce ainsi que l’intrigue.
Début surprenant, néanmoins, carHippolyte y annonce son départ : il doit quitter la scène puisque l’unité de lieu oblige le spectateur à demeurer à Trézène (didascalie interne au v. 2).
« doute mortel dont je suis agité » : semble annoncer l’intrigue, le problème que le héros doit résoudre. Quel est ce doute ? L’adjectif « mortel » est très fort et indique un trouble important.
« rougir de mon oisiveté » : on noteral’opposition agité/oisiveté à la rime qui oppose le trouble intérieur et l’insouciance extérieure. + « rougir » porte l’idée de honte, qui court tout au long de la pièce : l’honneur du héros lui impose l’action.
« mon père » « tête si chère » qui riment, présente un troisième personnage, que le public cultivé sait être Thésée. Relation de respect et d’amour filial, qui perdurera jusqu’à la fin. Le respectde la figure paternelle étant une valeur positive dans l’héroïsme classique.
« doute » est relayé par « j’ignore » répété deux fois en début de vers : Hippolyte se trouve dans une sorte d’aveuglement qui réclame éclaircissement. Ainsi, l’intrigue de la pièce semble être la quête de Thésée par Hippolyte, ce qui nous conduirait dans une sorte de Télémachie (Télémaque recherchant son père Ulysse)impensable sur le théâtre classique. On notera que dans cette fausse exposition (Hippolyte ne dépassera jamais le rivage), aucune figure féminine n’est évoquée et encore moins Phèdre. Fausse piste, mais vrai problème de la pièce : la figure paternelle et la quête de sa reconnaissance sont au cœur de Phèdre.
Noter comment la scène s’ouvre sur un avant et un ailleurs : « Depuis plus de six moiséloigné de mon père » ouvre sur un temps précédent et « je pars », « quitte le séjour », « jusqu’aux lieux » ouvrent sur d’autres espaces. Ce que va renforcer la réplique de Théramène. Ainsi, l’action semble prise in medias res : propre de l’esthétique classique, que de prendre l’action au moment de sa crise, dans les derniers instants de son apogée jusqu’à son dénouement. Elle s’inscrit dans un flotd’événements, tout comme l’espace scénique s’inscrit, par la parole, dans un espace plus vaste, qui est toute la Grèce. La scène ouvre ainsi doublement sur un ailleurs, Trézène pour un public français, toute la Grèce par rapport à Trézène. Et doublement sur un autre temps, l’Antiquité de la Grèce héroïque et le temps qui précède l’action en cours : le départ de Thésée et sa disparition, puis sa quête parThéramène.
Deuxième réplique :
La question oratoire de T., ainsi que celles des vers 15-16, indiquent déjà que la quête voulue par Hippolyte est inutile. Par conséquent, T. permet au spectateur de comprendre que l’intrigue posée est fausse. Au passage, on peut noter que cela révèle un refus de l’extérieur pour la pièce, unité de lieu oblige…
Tout en rappelant sa longue quête de Thésée, lepère disparu, c’est toute la Grèce donc que Théramène évoque : du nord-ouest de la Grèce (l’Epire, où le fleuve Achéron passait pour donner sur les Enfers), il descend la côte ouest du Péloponnèse (l’Elide) jusqu’à la pointe sud (le Ténare) et va jusqu’à la partie la plus orientale de la mer Egée (la mer Icarienne qui borde l’Asie Mineure). L’allusion à l’Achéron n’est peut-être pas…