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La question « qui suis-je ? » admet-elle une réponse exacte ?

PLAN

Introduction 1 Oui, la question « qui suis-je ? » admet une réponse exacte A – Mon identité s’affirme dans la permanence B – La question « qui suis-je ? » est au fondement de toute connaissance C – La possibilité de l’introspection 2 Non, la question « qui suis-je ? » n’admet pas de réponse exacte A – La question esttoujours reconduite au cours du temps B – Il y a une part d’inconscient en moi C – Le caractère irréductible de la subjectivité interdit toute détermination exacte 3 La question admet une réponse exacte qui ne constitue pas une connaissance A – Il n’y a pas de connaissance possible du « je » B – La subjectivité se définit comme action Conclusion

Introduction
Lorsque quelqu’un me demande qui je suis,je sais en général quoi répondre, sauf si je suis atteint d’un trouble spécifique comme une amnésie totale par exemple. Je suis moi-même, j’ai un nom, une identité que je peux décliner, une profession, etc… il n’y a aucun doute sur ces éléments et je sais qu’ils sont véridiques, qu’ils ne sont pas erronés. Cependant, ai-je pour autant dit qui j’étais ? Ce « je » qui parle en moi est-il entièrementdécrit ou même défini par la liste des attributs avec lesquels je me présente habituellement ? S’agit-il d’une réponse exacte ? Le sujet que je suis pourrait bien, d’une part, ne pas être totalement transparent à lui-même, d’autre part, il se pourrait qu’il ne soit pas descriptible au moyen d’un discours d’une rigoureuse exactitude. Tout dépend de ce que l’on entend par « exact », de l’extensionque l’on accorde à ce terme.

1. Oui, la question « qui suis-je ? » admet une réponse exacte
A. Mon identité s’affirme dans la permanence Il est un fait que si je me demande à tout moment qui je suis, je suis à même de me rappeler mon identité. Non seulement je sais tout le temps qui je suis, mais j’ai même conscience d’être toujours le même malgré les modifications de ma personne :l’évolution de mon caractère, l’extension de mes connaissances, la multiplication de mes relations à autrui ne ruinent pas mon identité et, si je sais avoir changé pendant une certaine période, je sais aussi que c’est la même personne qui a changé. Certes, ce que je suis peut être affecté et transformé au cours du temps mais cela ne me semble pas de prime abord affecter la permanence de la personne que jesuis. J’ai perpétuellement conscience que le référent du « je » que j’emploie pour parler de moi au passé, au présent ou bien encore au futur, est toujours le même. L’exacte réponse à la question « qui suis-je ? » consisterait donc en une affirmation de la permanence de ma personne que symbolise, par exemple, mon nom. B. La question « qui suis-je ? » est au fondement de toute connaissance Il faut enoutre ajouter que cette question « qui suis-je ? » apparaît comme fondamentalement première. Connaître quelque chose, c’est toujours savoir à partir de soi. Ce « je » par lequel je me désigne comme sujet est ce qui, en moi, pense, veut, désire, agit et connaît. C’est à partir de ce sujet, de ce point de vue ou de cette perspective, pourrait-on dire, que se construit mon rapport au réel, ques’élabore toute connaissance. Aussi comprend-on pourquoi Critias dans le Charmide de Platon explique à Socrate que, selon lui, l’injonction de l’oracle de Delphes, inscrite à l’entrée du temple d’Apollon, « Connais-toi toi-même », constitue le début de toute connaissance et de toute sagesse. C’est dans la détermination de ce qu’est ce « je » qui connait que se trouverait la condition de possibilité de touteconnaissance. Cela donne toute la portée et l’enjeu du problème de savoir si la question « qui suis-je ? » admet ou non une réponse exacte. Car une réponse négative à une telle interrogation risque de compromettre la possibilité même de toute connaissance. De même, dans la démarche du Discours de la méthode de Descartes observe-t-on que la détermination de ce qu’est ce « je » qui pense et…