Philosophie

Le bonheur est un thème que Kant a traité de manière secondaire dans son œuvre, car contrairement à Epicure ou Spinoza il ne doit pas constituer le but de l’existence humaine, mais bien que son approche soit peu pertinente il est possible de dégager une doctrine kantienne du bonheur.

1 Qu’est-ce que le bonheur ? Selon Kant la notion même de bonheur pose d’abord un problème, car le contenuconcret (empirique) en est impossible à cerner.

« Le concept de bonheur n’est pas un concept que l’homme abstrait de ses instincts et qu’il extrait en lui-même de son animalité, mais c’est une simple Idée d’un état, à laquelle il veut rendre adéquat cet état sous des conditions simplement empiriques (ce qui est impossible) » [1]

Kant ne voit donc pas que le bonheur n’est pas une « simple idée »mais bien la réalité d’un sentiment que la conscience reconnait spontanément comme joie accompagnée de plénitude.

De même il pense, à tort, que le bonheur supposerait que nous puissions satisfaire tous nos désirs, pleinement et sans interruption :

« Le bonheur est la satisfaction de toutes nos inclinations (tant extensive, quant à leur variété, qu’intensive, quant au degré, et aussiprotensive, quant à la durée) » [2] . … évidemment ce programme est irréalisable ! Mais le bonheur ne demande en réalité que de satisfaire nos besoins, c’est-à-dire nos seuls désirs naturels et nécessaires.

Chacun, sous l’impulsion de sa nature, est cependant porté à rechercher son propre bonheur. Mais du fait de l’irréalisme du contenu du concept, quiconque veut se donner comme impératif dans la vie dese consacrer effectivement à cette recherche sera bien embarrassé :

« Le concept de bonheur est un concept si indéterminé, que, malgré le désir qu’a tout homme d’arriver à être heureux, personne ne peut jamais dire en termes précis et cohérents ce que véritablement il désire et veut. La raison en est que tous les éléments qui font partie du concept de bonheur sont dans leur ensemble empiriques,c’est-à-dire doivent être empruntés à l’expérience, et que cependant pour l’idée du bonheur, un tout absolu, un maximum de bien-être dans mon état présent et dans toute ma condition future est nécessaire. Or il est impossible qu’un être fini si perspicace et en même temps si puissant qu’on le suppose se fasse un concept déterminé de ce qu’il veut véritablement. .. Richesse ? ….Connaissances ? …Longue vie ? .. Santé ? … Il n’y a donc pas à cet égard d’impératif qui puisse commander au sens strict du mot de faire ce qui rend heureux, par ce que le bonheur est un idéal non de la raison mais de l’imagination. » [3]

Tout cela n’empêche pas bien sûr que chacun ait pour premier mouvement naturel de se mettre à la poursuite de son bonheur propre, et que beaucoup parviennent à le trouver et àle comprendre de manière tout à fait déterminée !

Kant est en fait un moraliste qui veut critiquer l’idée – et la recherche – de bonheur pour y substituer la suprématie du devoir.

2 Bonheur et devoir :

2a Le bonheur comme fin :

Le devoir découle de l’impératif catégorique :

« Il n’y a qu’un impératif catégorique et c’est celui-ci : Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tupuisses vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle. » [4]

Leur nature propre pousse les hommes à rechercher chacun son propre bonheur, mais cela ne correspond pas à l’essence du devoir moral :

« Le devoir doit être une nécessité pratique inconditionnée de l’action : il doit donc valoir pour tous les êtres raisonnables (les seuls auxquels peut s’appliquer absolument unimpératif) et c’est seulement à ce titre qu’il est aussi une loi pour toute volonté humaine. Au contraire, ce qui est dérivé de la nature propre de l’humanité, ce qui est dérivé de certains sentiments et de certains penchants et même, si c’était possible, d’une direction qui serait particulière à la raison humaine et ne devrait pas nécessairement valoir pour la volonté de tout être raisonnable, tout…