Platon, phédon

…tant que nous aurons le corps associé à la raison dans notre recherche et que notre âme sera contaminée par un tel mal, nous n’atteindrons jamais complètementce que nous désirons et nous disons que l’objet de nos désirs c’est la vérité. Car le corps nous cause mille difficultés par la nécessité où nous sommes de lenourrir ; qu’avec cela des maladies surviennent, nous voilà entravés dans notre chasse au réel. Il nous remplit d’amours, de désirs, de craintes, de chimères detoute sorte, d’innombrables sottises si bien que, comme on dit, il nous ôte vraiment et réellement toute possibilité de penser. Guerres, dissensions, batailles,c’est le corps seul et ses appétits qui en sont cause ; car on ne fait la guerre que pour amasser des richesses et nous sommes forcés d’en amasser à cause du corps,dont le service nous tient en esclavage. La conséquence de tout cela, c’est que nous n’avons pas de loisir à consacrer à la philosophie. Mais le pire de tout,c’est que, même s’il nous laisse quelque loisir et que nous nous mettions à examiner quelque chose, il intervient sans cesse dans nos recherches, y jette le troubleet la confusion et nous paralyse au point qu’il nous rend incapables de discerner la vérité. Il nous est donc effectivement démontré que, si nous voulons jamaisavoir une pure connaissance de quelque chose, il nous faut nous séparer de lui et regarder avec l’âme seule les choses en elles-mêmes. Nous n’aurons,semble-t-il, ce que nous désirons et prétendons aimer, la sagesse, qu’après notre mort, ainsi que notre raisonnement le prouve, mais pendant notre vie, non pas »