Propagande

Groupe de lecture du Centre Cavaillès
Séance du 15 juin 2005

Les textes fondateurs de l’eugénisme

Préambule
Permettez-moi tout d’abord de vous remercier d’avoir admis parmi vous l’amateur que je suis.
Le film que vous allez voir, se contente, dans un très bref rappel historique de citer quelques noms des scientifiques qui furent à l’origine de ce qui allait devenir une belle épinedans le pied de la communauté des chercheurs.

En attendant, je vous propose non pas l’étude du principal texte fondateur de l’eugénisme, « Inquiries into human faculties and its development » –Londres 1883- de l’anglais Francis Galton, mais de survoler chronologiquement l’ensemble de la principale littérature qui a donné les bases à ce mouvement. Ce survol devrait permettre de bien délimiter lecadre historique et scientifique dans lequel le terme et la chose apparaissent.

Avant de continuer, permettez-moi une précision : Galton est l’inventeur du terme « eugénique » -bonne naissance- et non du terme « eugénisme » formé cinq ans plus tard par le français Vacher de Lapouge. La nuance n’est pas sans importance. L’eugénique se présente comme une science, l’eugénisme comme une idéologie.Galton, nous le verrons, est un authentique scientifique. Vacher de Lapouge est un idéologue.

Les origines
La recherche des origines est souvent fastidieuses et dans de nombreux cas aboutit à de grossiers contre-sens. Surtout lorsque l’historien à coup de paralogismes s’aventure un peu trop loin –dans le temps- des faits qu’il étudie. A ce compte on peut trouver tout dans tout. Et l’atome de MaxPlanck dans celui de Démocrite (encore que l’un et l’autre ont plus à voir que le supposé eugénisme de Platon avec celui de Galton).
Jusqu’au XIXème siècle et jusqu’à Galton lui-même, j’avancerais que parler d’eugénisme est un contre-sens et pas seulement parce que Galton est l’inventeur du mot. On verra plus loin pourquoi.
Pourtant la quasi-totalité des textes critiques qui ont traités, àposteriori, de l’eugénisme, évoquent en premier lieu La République de Platon, puis Thomas More, Tommaso Campanella, Claude Quillet, Charles-Augustin Vandermonde et enfin Robert le Jeune. Ces auteurs apparaissant comme les pré-initiateurs du phénomène. Sous-entendu la question d’une humanité parfaite est un problème vieux comme le monde et ne présente aucun lien particulier avec la sociétéindustrielle.

Dans La République, dont il faut rappeler qu’il s’agit avant tout d’un texte philosophique dont le thème principal est « La Justice » et non d’un programme technique socio-médical sur la meilleure façon de procréer ; Platon imagine, non sans humour et ironie, les caractéristiques d’une Cité idéale, d’un archétype. Cette Cité doit se doter de « gardiens » afin d’assurer le bon fonctionnement deses institutions et se défendre contre toute attaque extérieure. Dans le livre V, Platon décrit la manière dont ces gardiens –magistrats, chefs militaires et gouvernants- devront être sélectionnés et éduqués dès la naissance et surtout si les femmes pourront ou non en faire partie. Dans ce texte, Platon ne s’en tient qu’à la nature et à la formation de cette caste de chefs. Aristote lui reprocherade ne pas avoir étendu sa réflexion à l’ensemble des citoyens de la Cité -Les Politiques (Livre II, Ch. 5, 1264 a)-. En fait, Platon ne décrit ni plus ni moins qu’une aristocratie administrative dont les membres seraient issus d’une pouponnière à fabriquer des Enarques champions olympiques. Des hommes et des femmes qui se marieront entre eux pour perpétuer une caste de chefs. Le corps et l’espritseront pareillement éduqués -gymnastique et musique, port des armes et équitation- à partir de sujets sains, comprenons qui ne présentent pas à la naissance de malformations importantes et qui par la qualité de leurs procréateurs auront toutes les chances de naître en bonne forme et devenir les meilleurs gardiens de la Cité. Voir dans ce texte une volonté eugéniste me semble particulièrement…