Prospective

1. LA PROSPECTIVE POUR QUOI FAIRE ?

Si Gaston Berger (1957) a relancé le mot prospective, c’est parce que la prévision était trop > (Bertrand de Jouvenel, 1964). La prospective n’a rien à voir avec le déterminisme de la futurologie et de la boule de cristal. A son origine, il ya un postulat de liberté face à des avenirs multiples et indéterminés.
La prospective n’est pas non plus laprévision trop marquée par la quantification et l’extrapolation de tendances. Elle n’envisage pas l’avenir dans le seul prolongement du passé, car l’avenir est ouvert aux jeux de multiples acteurs qui agissent aujourd’hui en fonction de leurs projets futurs.
Dans les sociétés modernes, l’anticipation s’impose en raison des effets conjugués de deux facteurs principaux :
– en premier lieu, le sentimentde l’accélération du changement technique, économique et social nécessite une vision à long terme car comme le disait Gaston Berger :> ;
– en second lieu, les facteurs d’inertie liés aux structures et aux comportements commandent de semer aujourd’hui pour récolter demain :>, me disait mon grand-père.
Cependant, si le monde change, la direction de ce changement ne parait pas assurée. Lesmutations sont porteuses de multiples incertitudes économiques, technologiques, et sociales que les hommes et les organisations doivent intégrer dans leur stratégie. La prospective ne prétend pas éliminer cette incertitude par une prédiction illusoire. Elle vise seulement, et c’est déjà beaucoup, à la réduire autant que faire se peut, et à prendre des décisions qui vont dans le sens de l’avenirsouhaité.
La prospective est avant tout une attitude d’esprit (l’image et l’anticipation) et un comportement (l’espoir et la volonté) mobilisés pour assurer la qualité et la maîtrise de l’existence présente et future. La prospective réhabilite le désir comme force productive d’avenir.

Le désir force productive d’avenir
L’attitude prospective est née d’une révolte de l’esprit contre le joug dudéterminisme et le jeu du hasard. Il s’agit donc d’un combat pour l’anti-fatalité (Hugues de Jouvenel) et l’antihasard (Pierre Massé). Ce combat est mené par la force de la volonté. Or, il n’y a pas de volonté sans objet et l’objet de la volonté c’est précisément que le désir se réalise.
Le désir est entretenu par l’existence de manques réels et virtuels, c’est-à-dire d’écarts entre la réalitéprésente ou anticipée et les aspirations. C’est parce qu’il y a une transformation permanente des (P.H. Chombart de Lauwe, 1969) que selon la belle formule de Karl Marx. Ainsi, Henri Lefebvre (1970), nous réhabilitons ; d’ailleurs, n’est-ce pas la même chose que signifiait le jeune Marx lorsqu’il parlait de et Charles Fourier de .
Reconnaître le désir comme productive d’avenir, c’est par la mêmeoccasion réhabiliter le subjectivisme et l’utopie et réconcilier l’imagination poétique avec le raisonnement scientifique ; c’est finalement comprendre pourquoi la structures des rapports sociaux éclate dès lors qu’un certain ordre de contraintes entre en contradiction avec le désir et devient intolérable. L’objet de la prospective est alors d’effacer la coupure entre le possible et le réel, decombattre (Albert Camus, 1942).

L’avenir
Le désir part à la conquête du futur pour donner un sens au présent. Ce dernier peut être riche ou pauvre de l’avenir qu’il a devant lui : c’est de Gaston Berger.
Pour se situer par rapport à l’avenir, il faut d’abord le faire par rapport au passé, or ce que nous regrettons dans le passé, c’est l’avenir qu’il avait devant lui, comme l’illustre, de façonémouvante, ce passage de Nicolas Grimaldi (1971) évoquant un couple uni au soir de la vie :
Pour une bonne part, ce qui est subi dans l’avenir résulte des actions passées, ce qui est voulu explique les actions présentes. En clair, ce n’est pas seulement le passé qui explique l’avenir, mais aussi l’image du futur qui s’imprime dans le présent. Par exemple, la consommation d’un individu à un…