Punir

PUNIR
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Bibliographie
• Platon, Protagoras, 323d-324c.
• Hobbes, Léviathan, II, 28 (ed. Sirey).
• Rousseau, Contrat Social, II, V (ed. GF).
• Beccaria, Des délits et des peines, (ed. GF).
• Foucault, Surveiller et punir, NRF, Gallimard.
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Introduction

Le sujet est libellé sous forme de verbe isolé :il renvoie à une action, et oblige à construire la problématique à partir de cette seule action. Il faut donc veiller à ne pas réduire le sujet à une question extérieure que l’on estimerait centrale (du type « a-t-on le droit de punir ? »), mais au contraire organiser les questions.
Punir est une des actions qui semblent, au premier abord, renvoyer explicitement à l’existence des collectivitéshumaines : on ne punit, en effet, que de façon construite, consciente et réactive. Construite, parce que la punition est précisément ce qui ne se réduit pas au réflexe. L’animal blessé ou attaqué qui se défend ne « punit » pas son agresseur. Il faudra étudier cette première évidence : la punition consiste en un acte qui n’est pas à lui-même sa propre fin : punir vise, pour ainsi dire, au-delà de lapunition matérielle (ce pourquoi il faut aussi envisager d’autres formes de la punition que le simple châtiment).
Consciente, parce que punir n’est possible que sur la base d’un raisonnement qui calcule cette finalité qui surpasse l’acte matériel du châtiment. Parce que la punition vise plus loin que le mal qu’elle fait, elle pense cette acte dans le cadre d’une structure de réaction qui lui donnesens (et qui, d’une certaine façon, l' »absout » : punir en effet est manifestement une façon de faire du mal : la conscience nécessaire à la punition est la condition nécessaire du dépassement de ce mal, qui ne devient intelligible, et ne se transforme en bien, que grâce à cette pensée qui l’explique et le justifie).
Réactive, parce que ce mal est toujours un mal de second ordre : punir n’estconcevable qu’en réaction à une première action, qui appelle le punir comme sa réponse. Dans quelle logique ce mal fait contre un autre mal prend-il sens ? Comment calculer le rapport qui lie la faute, ou le crime, à la punition ? Comment distinguer la punition du châtiment, et comment traduire cette punition dans le champ juridique ? Ce sont les questions auxquelles on va chercher à répondre, enreprenant le problème depuis l’origine : pour punir, il faut construire une réponse articulée à une finalité extérieure à la punition elle-même.
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I. La logique du punir.

1. Sémantique de la punition.
Platon se pose, dans le Protagoras, la question de la punition, dans le cadre d’un débat entre Socrate et Protagoras qui porte sur la possibilitéd’enseigner la vertu. Pour démontrer que la vertu s’enseigne, Protagoras se lance dans une étude de la punition dont il ressort que la punition n’est intelligible que si l’on suppose que la faute à laquelle elle s’applique a pour cause suffisante le sujet de la punition :
« Les défauts que les hommes considèrent comme étant chez leurs semblables un effet de la nature ou du hasard ne provoquent enversceux qui en sont atteints ni colère, ni conseils, ni leçons, ni châtiments en vue de les en débarrasser, mais seulement de la pitié. Si, par exemple, un homme est laid, petit ou faible, qui serait assez sot pour agir ainsi à son égard ? On sait bien, j’imagine, qu’en cela qualités comme défauts contraires sont chez les hommes l’effet de la nature et du hasard. Mais quand il s’agit des qualitésqu’on estime pouvoir être acquises par l’application, par l’exercice et par l’enseignement, si elles manquent à un homme et qu’elles soient remplacées chez lui par les défauts contraires, c’est alors que se produisent les colères, les punitions et les exhortations. » (Protagoras, 323d-e).
Mais on voit ici que la punition, si elle s’appuie sur l’idée que la faute est commise volontairement par un…