Rabel
Rabelais, Gargantua, « l’abbaye de Thélème »
Après la guerre Picrocholine, Gargantua bâtit l’abbaye de Thélème (en grec : volonté libre) à l’intention de frère Jean sur les bords de la Loire. Sans mur extérieurs, sans horloges, ce splendide château de la Renaissance accueille les femmes de 10 à 15 ans et les hommes de 12 à 18 ans. La « règle » morale de cette abbaye est « fais ce quevoudras » et s’oppose entièrement à l’ascétisme monacal. Dans cette abbaye, Rabelais tente de concilier le christianisme retrempé à ses textes originaux et l’épanouissement total de la nature humaine, aspiration essentielle de la Renaissance ; il le croit possible du moins pour une élite de gens libères dont la bonté naturelle s’épanouira largement dans un climat de liberté. Nous verrons comment ce conciliela liberté individuelle et la liberté collective des Thélèmites.
Les caractéristiques d’un monde idéal
L’harmonie de Thélème, anti-couvent construit sur l’absence de règles et le renversement des valeurs monastiques, est assurée par le choix des habitants, de la vie qu’ils y mènent et de la liberté d’en sortir.
1- Le choix des Thélèmites
Le choix des participants n’estpas hasardeux, dans le chapitre précédent, il « fut ordonné que là ne seraient reçues sinon les belles, bien formées et bien naturées, et les beaux, bien formés et bien naturés ». Sur la grande porte de Thélème, une inscription admet uniquement l’entrée de « nobles chevaliers », des « dames de haut parage, fleurs de beauté, à céleste visage, à maintien prude et sage » et des chrétiens. Le texteconfirme bien ce qui est dit plus haut : « gens libres, biens nés, bien éduqués » (l.8). Ainsi la sélection a lieu aussi bien sur des critères de beauté, d’appartenances sociale et d’éducation. Cette dernière notion qui réapparaît dans la deuxième partie du texte (l.26) renforcée par l’intensif si, est une des qualités principales de l’idéal humaniste. Cette éducation n’est pas seulement unapprentissage de la lecture et de l’écriture, mais aussi des langues, de la musique, de la poésie ainsi que du combat pour les hommes et couture pour les femmes, enseignements déjà énoncés dans la lettre de Gargantua à son fils. Cependant, cette société est régie par la seule règle « fais ce voudras » ; on retrouve cette idée à la ligne 2, « leur volonté ou leur libre arbitre …le désir ». A la ligne 9,Rabelais nie le péché originel et certains aspects de la religion puisqu’ils ont « par nature/ naturellement un aiguillon…qui les pousse toujours à agir vertueusement et les éloigne du vice » ; ainsi, si Dieu leur avait donné cet aiguillon, le péché originel n’aurait jamais été commis. Cette idée est accompagnée par des mots tels que « un instinct, vertu, honneur » et des verbes d’action : « qui lespoussent toujours… qui les poussaient vers » . Cette vision philosophique optimiste conçoit un restriction : l’âme humaine tend au bien que si elle n’est pas pervertie par une « vile soumission ou une contrainte ». Rabelais va plus loin que la simple critique des règles monastiques traditionnelles, il renvoie à l’homme, le rendant responsable de ses péchés : « car nous entreprenons toujours cequi est défendu, et convoitons ce qui est refusé ».
2- La vie à Thélème
La liberté semble être le seul principe conduisant la vie de cette abbaye proposant une vie en conformité avec la nature de ses participants. Les temps biologiques de chacun sont respectés « buvaient, mangeaient, travaillaient, dormaient quand le désir leur en venaient…quand bon leur semblaient » et le respect dechacun est préservé : « nul ne les éveillait, nul ne les obligeait à boire ni manger, ni à faire quoi que ce soit » (à noter, les énumérations et les répétions des négations). Ces règles sont à l’encontre des règles traditionnelles qui régissaient les monastères (contraintes horaires, châtiments…). Thélème inverse la règle monastique, mais reste avant tout un abbaye, l’église du refuge.
La vie…