Shakespeare, hugo
Rappel méthodologique…
Tenir compte de l’énoncé qui accompagne le texte, il ouvre des pistes, et porte parfois une problématisation qui peut être utile. Ici, il était question de commenter le texte, (ne pas oublier de le faire, donc, au risque de livrer un exposé de connaissances sur l’histoire littéraire, sur le siècle – càd d’être hors sujet) ; et de le commenter du point de vue de latrilogie proposée : histoire, littérature, histoire littéraire.
… et application :
Autrement dit l’énoncé vous invitait à penser l’articulation hugolienne de l’histoire et de la littérature, dans la perspective d’une refondation de l’histoire, qui devient de ce fait histoire littéraire (voir ligne 21). Du coup, la littérature répond à une nouvelle définition, dès lors qu’elle devient « le principe »de l’histoire (lignes 22-23) : c’est par elle que peut se concevoir l’histoire, càd le devenir collectif, à visée universaliste (voir dans le texte la logique d’expansion concentrique, France, Europe, reste du monde). La littérature se trouve placée au fondement de l’histoire des peuples, Hugo substituant aux « hommes de l’action » les hommes « de l’idée » (l. 25-26). L’on voit donc bien commentles trois termes de l’énoncé devaient se trouver impliqués dans le commentaire du texte – impliqués, articulés, distingués et rapprochés.
Contexte de problématisation
N’oubliez pas enfin que la réflexion appuyée sur l’énoncé doit évidemment se déployer dans le champ de l’objet du cours, à savoir celui des questions que pose l’histoire littéraire en genèse au XIX° siècle. Voici quelques-unesdes interrogations ouvertes dans le siècle, et actives dans l’extrait donné comme sujet : pourquoi introduire de l’historicité dans la pensée de la littérature ? quelle place donner à la dimension historique ? dans quel rapport la littérature va-t-elle se trouver placée face à l’histoire – dans quelle sujétion ? ou au contraire autonomie ? … Vous voyez que le texte de Hugo de 1864 accorde à lalittérature une place de choix, ce qui le distingue par exemple des positions staëliennes fondatrices de l’histoire littéraire, pour lesquelles joue une interaction entre histoire et littérature, chaque domaine influant sur l’autre. Pour Hugo ici, l’action est celle de la littérature sur l’histoire – c’est ce qu’il clame, même si l’on voit bien que l’histoire pèse et oriente la littérature dès lorsque la Révolution est posée comme matrice du siècle lui-même révolutionnaire.
Enfin, dimension peu abordée dans les copies, quel ordre ou bien quel rythme donner à son « histoire » quand on en propose une littéraire ? La chronologie stricte, associée aux faits, aux actions des héros historiques, Hugo n’en veut pas – dès lors qu’il initie son temps dans la déflagration révolutionnaire, qui estrupture avec l’ancien, la tradition. Révoquée, la chronologie revient par la fenêtre, si l’on considère la fin du passage et la fraction d’histoire qui va de Dante à Voltaire, et de là à la Révolution : les fondements de la Révolution sont donc bien historiques, puisqu’il faut remonter à Shakespeare pour toucher au concentré de philosophie (l. 34) qui déclenche la série des successeurs, versVoltaire, et vers la Révolution. Intérêt de remarquer au passage que le concentré de philosophie posé comme matrice ou germe de la suite est aussi d’ordre poétique – car Shakespeare est bien donné comme « poète » ligne 34. La pensée, pour Hugo, c’est la poésie : ceci explique que l’histoire soit littéraire. L’idée, le principe, ne sont pas des abstractions relevant du champ théorique (philosophie,politique), puisque la littérature est philosophie, est pensée, est politique… bref, est absolue. Et donc, l’hybridation entre chronologie et rythme composé comme une constellation (dont l’étoile la plus brillante est ici Shakespeare) se double de l’hybridation entre poésie et philosophie ; la pensée d’historien littéraire de Hugo mobilise et brasse des éléments venus de systèmes divers – selon la…