Sujet invention 2010
Discours au peuple de Bétique
« Au commencement du monde, selon les légendes de mon peuple, le titan Prométhée façonna dans l’argile le premier homme, auquel Athéna insuffla la vie. Celui-ci, à l’image de la déesse, était entièrement exempt de vice et rempli d’une sagesse à faire pâlir le plus honorable des vieillards. La première femme, tout aussi parfaite, fut créée peu après et, par ladivine volonté de leurs créateurs, son regard croisa celui de l’homme. La vision de l’autre fit naître chez eux chacun de nouveaux sentiments, précurseurs du vice: la curiosité, et le désir. Satisfaits de leurs œuvres, titan et déesse créèrent de la même manière le reste de l’humanité. L’homme put alors, pour la première fois, observer son semblable, et instinctivement, tous deux se comparèrentmutuellement. C’est à se moment là que naquirent les premiers vices de l’humanité: la jalousie, l’orgueil et, plus que tout, l’amour-propre. Ces défauts, malheureux il est vrai, sont néanmoins indissociables de tout groupe d’hommes, et donc de toute société.
Et pourtant, ô peuple de Bétique, au cours de la longue année passée dans ce magnifique pays, jamais parmi vous je ne vis le conflit, lahaine, ni même la jalousie, au point qu’il m’arrivait de me demander: sont-ils vraiment humains? Ne sont-ils point quelques divinités venues chercher le repos sur Terre? Mais même les dieux, mêmes ces toutes-puissances immortelles connaissent l’envie, l’orgueil, et la guerre. Nul en ce monde, et certainement pas des hommes, ne peuvent les ignorer. Ils sont partie intégrante de notre monde, et del’univers tout entier. Mais alors, me suis-je donc demandé, comment cette société entièrement basée sur l’entente entre tous les individus sans exception peut-elle bien fonctionner? Je le compris quelques mois plus tôt, en voyant, sur le visage d’un prétendant déchu, passer l’espace d’un instant une expression de colère devant le spectacle de celle qu’il aimait en compagnie d’un autre, colère qu’ilréprima aussitôt et qui ne devait plus réapparaitre. Peuple de Bétique, vous êtes avant tout des hommes et, comme chacun, vous connaissez le vice. Vous connaissez l’envie, la jalousie, la haine, vous les ressentez, mais vous les craignez, et les refoulez de la plus extrême des façons. Cela vous apporte-t-il vraiment le bonheur?
Imaginons qu’un être démoniaque, par de quelconques pouvoirs, soitcapable de plonger un peuple tout entier dans une illusion perpétuelle, le contrôlant ainsi totalement. C’en serait terminé des jalousies, des conflits et des guerres, chacun œuvrerait dans le seul but de servir l’intérêt commun. Ce peuple vivrait alors comme dans une bulle, prisonnier d’ un monde fermé et privé de tout sentiment d’individualité. Mais qui voudrait de cela? Une paix illusoire… Etfactice. Ni espoir, ni rêve, ni même la conscience d’être soi et unique! Et vous êtes dans ce cas, habitants de Bétique. Le démon qui vous aveugle, c’est une peur immodérée et excessive du vice sous toutes ses formes qui vous force à refouler au plus profond de vous-même jalousie, haine et amour-propre, ces sentiments qui, s’ils sont le fléau de l’humanité, sont également ce qui fait d’elle ce qu’elleest. Vous vous repliez sur vous-même et sur votre petite communauté, fuyant comme la peste tout élément extérieur à même de briser l’illusion qui vous enveloppe. Je ne sais si cela était votre intention, mais au cours de mon long séjour ici, vous n’avez fait aucun effort pour m’intégrer. Au contraire, vous me teniez constamment à l’écart, comme un malade porteur d’un fléau qui n’attendait que devous contaminer tous. Avez vous ne serait-ce que cherché à savoir si la société dans laquelle je vis amenait le bonheur? Point du tout. Vous êtes persuadés que votre société est la seule qui fonctionne, et que tout autre système ne pourrait qu’être inférieur, et ne pourrait mener qu’au malheur.
Lorsque j’ai décidé de voyagé vers votre lointaine contrée, fuyant les innombrables vices de la…