Surveillance des salariés
Surveillance des salariés : jusqu’où?
Alors qu’IBM est soupçonné d’utiliser abusivement ses fichiers de notation (un entretien annuel classe les salariés en quatre catégories) comme alibi pour se séparer d’un nombre préétabli de collaborateurs, la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés) vient de rendre un nouveau rapport sur la surveillance et l’évaluation du personnel.Hubert Bouchet, son vice-président et porte-parole, indique les limites à ne pas dépasser.
Jusqu’où peut-on aller dans la surveillance d’un salarié?
Il est compréhensible qu’une entreprise contrôle, ou, du moins, cherche à évaluer le travail de ses salariés. Mais une série de lois, dont les premières ont été votées en 1978, année de création de la Cnil, encadre cette surveillance. Premièrerègle, les salariés doivent être informés, le cas échéant, de la surveillance dont ils sont l’objet. Impossible de condamner une caissière de supermarché qui, filmée, vole un billet de 500 euros, si, au préalable, elle n’est pas au courant de la présence de la caméra. Autre bémol: depuis le 31 décembre 1992, les moyens mis en œuvre doivent être «proportionnés au but recherché». En clair, lecontrôle du nombre d’allées et venues d’un salarié dans un bâtiment ne se justifie pas si l’on veut savoir s’il répond bien au téléphone. Enfin, la direction ne peut faire intervenir dans son jugement des données privées comme la santé ou la sexualité. En témoigne la condamnation de ce directeur des ressources humaines d’Alstom Power début février: un fichier informatique recensait des données médicalesde salariés, assorties d’un avis sur les licenciements à engager.
Les salariés sont-ils plus surveillés aujourd’hui?
La situation est paradoxale. Jamais les dirigeants n’ont eu autant d’outils pour apprécier le travail des salariés – évaluation «à 360 degrés» reposant sur le témoignage de collaborateurs, de clients et de fournisseurs… – ou pour les surveiller – badges électroniques,téléphones qui les rendent joignables vingt-quatre heures sur vingt-quatre… Et, pourtant, le travail, toujours plus immatériel, est de plus en plus difficilement évaluable. Ce que reprochent certains salariés à la direction d’IBM France, c’est de s’être servie d’un outil a priori louable – un entretien d’évaluation – pour se séparer de gens qu’elle estime être des canards boiteux. L’inspection dutravail devrait d’ailleurs s’intéresser au dossier.
Est-ce pis à l’étranger?
Aux Etats-Unis, la notion de vie privée n’existe pas au travail: un e-mail ou un coup de téléphone sont par essence professionnels. Jusqu’ici, la jurisprudence respecte en France le «secret des correspondances». S’il est possible de contrôler la fréquence des communications, c’est-à-dire le nombre d’e-mails envoyés ou decoups de téléphone passés, ainsi que leur durée, il est en revanche illégal d’en consulter le contenu. C’est ce qu’a exprimé la Cour de cassation, en octobre 2001, en annulant le licenciement d’un salarié chez Nikon France parce qu’il avait utilisé son ordinateur à des fins personnelles. L’enjeu aujourd’hui est de parvenir à une réglementation européenne: depuis 1995, les commissions concernéesdes pays européens se réunissent pour harmoniser leurs positions.
Article publié dans L’Express, 2002
Dans quels cas la vidéosurveillance est-elle permise au sein d’une entreprise ou d’une administration ?
Il est interdit d’utiliser les systèmes de surveillance et de contrôle pour surveiller le comportement des employés à leur lieu de travail. S’il est nécessaire de recourir à unsystème de surveillance ou de contrôle pour une autre raison (contrôle de la production ou de la sécurité), ce système devra être mis en œuvre de sorte à ne porter aucune atteinte à la santé et à la liberté de mouvement des employés.
Cas de la vidéosurveillance dans les grands magasins et banques :
Les magasins sont souvent équipés d’installations de surveillance. Ces dernières ne doivent…