Textes complémentaires oral de français 1ère l/es

Ronsard
(1524 – 1585)

Quand vous serez bien vieille…
Quand vous serez bien vieille, au soir à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz chantant mes vers, en vous émerveillant :
« Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle. »

Lors vous n’aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de « Ronsard » ne s’ailleréveillant,
Bénissant votre nom, de louange immortelle.

Je serai sous la terre et fantôme sans os ;
Par les ombres Myrteux je prendrai mon repos ;
Vous serez au foyer une vieille accroupie,

Regrettant mon amour, et votre fier dédain.
Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain ;
Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie.

VICTOR HUGO
(1802 – 1885)

Soleils couchants
Le soleils’est couché ce soir dans les nuées;
Demain viendra l’orage, et le soir, et la nuit ;
Puis l’aube, et ses clartés de vapeurs obstruées ;
Puis les nuits, puis les jours, pas du temps qui s’enfuit !
Tous ces jours passeront ; ils passeront en foule
Sur la face des mers, sur la face des monts,
Sur les fleuves d’argent, sur les forêts où roule
Comme un hymne confus des morts que nousaimons.
Et la face des eaux, et le front des montagnes,
Ridés et non vieillis, et les bois toujours verts
S’iront rajeunissant ; le fleuve des campagnes
Prendra sans cesse aux monts le flot qu’il donne aux mers.
Mais moi, sous chaque jour courbant plus bas ma tête,
Je passe, et, refroidi sous ce soleil joyeux,
Je m’en irai bientôt, au milieu de la fête,
Sans que rien manque au mondeimmense et radieux !
(Les Feuilles d’Automne)

Demain dès l’aube
Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai – Vois-tu, je sais que tu m’attends –
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne –
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le doscourbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Honfleur,
Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
(Les Contemplations)
ALFRED DE VIGNY
(1797 – 1863)
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La maison du berger
Pars courageusement, laisse toutes les villes ;Ne ternis plus tes pieds aux poudres du chemin ;
Du haut de nos pensées vois les cités serviles
Comme les rocs fatals de l’esclavage humain.
Les grands bois et les champs sont de vastes asiles
Libres comme la mer autour des sombres îles.
Marche à travers les champs une fleur à la main.
La Nature t’attend dans un silence austère ;
L’herbe élève à tes pieds son nuage des soirs,
Et lesoupir d’adieu du soleil à la terre
Balance les beaux lis comme des encensoirs.
La forêt a voilé ses colonnes profondes,
La montagne se cache, et sur les pâles ondes
Le saule a suspendu ses chastes reposoirs.
Le crépuscule ami s’endort dans la vallée,
Sur l’herbe d’émeraude et sur l’or du gazon,
Sous les timides joncs de la source isolée
Et sous le bois rêveur qui tremble àl’horizon,
Se balance en fuyant dans les grappes sauvages,
Jette son manteau gris sur le bord des rivages,
Et des fleurs de la nuit entr’ouvre la prison.
Il est sur ma montagne une épaisse bruyère
Où les pas du chasseur ont peine à se plonger,
Qui plus haut que nos fronts lève sa tête altière,
Et garde dans la nuit le Pâtre et l’étranger.
Viens y cacher l’amour et ta divine faute ;
Sil’herbe est agitée ou n’est pas assez haute,
J’y roulerai pour toi la Maison du Berger.
(Les Destinées)

VICTOR HUGO
(1802 – 1885)

La Fonction du Poète
Peuples ! écoutez le poète !
Ecoutez le rêveur sacré !
Dans votre nuit, sans lui complète,
Lui seul a le front éclairé.
Des temps futurs perçant les ombres,
Lui seul distingue en leurs flancs sombres
Le germe qui n’est pas éclos….