The world outside
Asie centrale, sur la route de l’opium – 1/2
Dans une région rongée par la misère, où les frontières sont de véritables passoires, les passeurs se
recrutent à la pelle. Le voyage au bout de l’enfer peut commencer.
La vallée de pierre se faufile dans le pli des montagnes. Savamment agencées autour du ruisseau, les cultures
forment un long serpent de couleur. Des villages parsèment la vallée.Maisons de pisé, mélange de terre, de
pierre et de paille. La province du Nangarhar, située entre la frontière pakistanaise et Kaboul, capitale de
l’Afghanistan, est la deuxième région productrice d’opium du pays. Ce pays ravagé par la guerre est redevenu
le premier producteur mondial d’opium à la chute du régime taliban, l’hiver dernier.
L’héro, des bénéfices stupéfiants
Sur les terrasses,une légère brise passe dans les blés, fait frissonner la cime des amandiers et danser les
longues tiges de la fleur de pavot. Des centaines de milliers de fleurs de pavot. Les pétales sont tombés,
laissant apparaître les capsules sombres, grosses comme des mandarines. La veille, des incisions ont été faites
sur les capsules, la pâte suinte. La récolte d’opium a commencé.
Un paysan s’affaire.A l’aide d’un grossier racloir, il récolte une sève brune à l’odeur âcre. Plusieurs de ces
champs de pavot lui appartiennent. Il n’en tire pas grande fortune. Du demi hectare de pavot qu’il cultive, il
obtiendra 25, peut-être 30 kilos d’opium. Certes, à 50 € le kilo, ça rapporte bien plus que d’autres cultures.
Surtout, le pavot peut être stocké en prévision d’un coup dur. Mais une foistransformé en héroïne et vendu
dans la rue, à Paris, il pourra rapporter jusqu’à 150000 €. Trois mille fois plus !
Les trafiquants à la pêche aux mules
Pour l’exporter, les passeurs ont l’embarras du choix. A l’ouest, l’Iran. A l’est et au sud, le Pakistan. Et au nord,
l’Asie centrale. Aucune des frontières de l’Afghanistan n’est hermétique. L’Iran est la route naturelle pour faire
transiterl’opium, la morphine ou l’héroïne en Turquie, puis en Europe. Mais depuis plusieurs années, le
gouvernement de Téhéran mène une lutte résolue contre la drogue. Des centaines de policiers y ont laissé la
vie, face à des passeurs prêts à tout, parfois organisés en colonnes armées.
Aujourd’hui, la route du Nord est plus sûre pour les trafiquants. Après l’éclatement de l’Union soviétique en
1991, lescinq républiques d’Asie centrale (Tadjikistan, Ouzbékistan, Turkménistan, Kazakhstan et
Kirghizistan) ont accédé à l’indépendance et sont vite devenues des passoires. Des routes abandonnées depuis
les années 1920 ont retrouvé un trafic intense. A Kandahar, ancienne capitale royale d’Afghanistan, dans le
sud du pas, Herat à l’ouest ou Maza-e-Sharif au nord, de prospères hommes d’affaires,possédant des antennes
commerciales en Iran, à Tachkent (Ouzbékistan) et même à Moscou, affrètent des véhicules sous couvert
d’exportation de produits autorisés. En camion ou à dos d’âne, des tonnes d’opium arrivent en Asie centrale et
passent dans les mains de mafias locales. Les groupes criminels peuvent en outre compter sur des milliers de
« mules », comme on appelle les petits porteurs.
Lespetits porteurs font les grands trafics
Certains empruntent une des routes les plus périlleuses, la plus haute d’Asie centrale. De l’extrême est afghan,
elle traverse le plateau du Pamir et arrive au Kirghizistan. Sur les rives de l’Amou-Daria, fleuve qui marque la
frontière avec l’Afghanistan, nombreux sont ceux qui viennent acheter 40 à 50 kilos d’opium. A 800 kilomètres
au nord, dans la villeKirghize d’Ôch, ils peuvent les revendre cinq fois plus cher. Alors, ils sont des centaines
à braver les montagnes, le froid, le vent pour une maigre fortune. On retrouve parfois les corps gelés
d’hommes morts d’épuisement, de faim ou simplement devenus fous. Malgré le danger, et en dépit des
Extrait du site http://www.france-jeunes.net – 1/2
Asie centrale, sur la route de l’opium – 2/2…