L’idée d’une théâtralité de la vie existe depuis les débuts du théâtre mais a eu une importance variable et des interprétations différentes selon les époques. Elle a connu un fort déploiement avec le théâtre baroque qui utilise cette idée dans les jeux d’illusion en particulier.
L’expression « théâtre du monde » a une valeur de notion qui semble être instaurée. Elle pose un lien évident entrele théâtre et le monde. Tout d’abord, le monde peut être vu comme l’environnement et la vie dans son infini, mais il peut aussi être vu comme un ensemble social. D’autre part, le théâtre du monde peut faire penser à une conception du monde comme étant un théâtre, c’est-à-dire une illusion. Il peut faire également penser à l’idée de la mimésis, c’est-à-dire la volonté d’imiter le monde authéâtre. Ces deux conceptions semblent être opposées, mais leur existence n’est due qu’à leur rapprochement. Nous pouvons donc nous demander : Le monde est-il un théâtre ou est-ce le théâtre qui est le monde ?
L’expression « théâtre du monde » suggère en effet un rapport circulaire entre le monde et le théâtre. Il s’agit de savoir quelle part donner à la théâtralité dans la vie, et quelle part donnerdu monde au théâtre.
Nous étudierons tout d’abord l’idée que le théâtre peut s’étendre au monde, le rendant ainsi théâtre. Puis nous nous concentrerons sur l’idée que le monde peut lui-même se réduire à l’espace scénique, qu’il soit universel ou un fragment social. Enfin, nous verrons que le monde et le théâtre sont inséparables et nécessaires l’un à l’autre.

I) Nous pourrions tout d’abordpenser que l’espace scénique peut s’étendre au monde, le rendant alors théâtre.
1. Certes, la création du monde pourrait s’apparenter à la création artistique d’une pièce de théâtre.
– La pièce de P.Calderon, Le Grand Théâtre du Monde , joue sur cette idée.
– Métaphore filée d’un Dieu qui créé le monde et les hommes, comme un auteur peut créer une scène et y placer les acteurs.
-L’interprétation chrétienne de la création du monde et la création artistique se rejoignent bien. Différence dans la pièce de Calderon : Dieu comme auteur donne un rôle à jouer sans préciser l’interprétation -> le monde comme un théâtre où chaque acteur doit trouver la meilleure façon de jouer son rôle. Conception plutôt réelle : l’homme arrive avec un environnement, un caractère et un corps qu’il n’a pas choisi,et il doit suivre sa voie de la meilleure façon, sans savoir vraiment comment.
Ainsi, lors de la réparition des rôles, des accessoires et des vêtements, la Beauté, le Roi et le Riche sont satisfaits, tandis que le Pauvre et l’Enfant restent réservés.
=> drame de l’existence moderne : sans indications, nous vivons dans le vide.
Le monde serait donc théâtre où les acteurs seraient livrés àeux-même.

2. Mais c’est surtout l’homme qui est un acteur et qui créé l’artifice
– Dans les Liaisons dangereuses de Laclos [roman épistolaire du XVIII° s] les deux personnages libertins (Mme de Merteuil et le vicomte de Valmont) se construisent des rôles, et montent des plans afin de parvenir à leurs fins. Laclos montre -> un monde où l’homme joue un rôle / aussi metteur en scène – le tout dansune volonté d’édification du lecteur par la démonstration du vice.
– Plan de vengeance envers la jeune Cécile -> M. cherche arranger les évènements de façon à ce que tout soit naturel. Fait penser aux différents artifices du théâtre, des effets spéciaux.
Nécessité de coordination : Merteuil s’offusque lorsque Valmont refuse de jouer le rôle qu’elle lui a réservé – il faut qu’elle réarrangetout.
– Scène de la bienfaisance (lettre 21) -> Valmont comme acteur et comme son propre metteur en scène. Joue le rôle d’un homme bien (jusqu’à presque ressentir la satisfaction de la bienfaisance) qui va donner de l’argent à une famille de pauvres dans le besoin : il l’avoue lui-même « au milieu des bénédictions bavardes de cette famille, je ne ressemblais pas mal au héros d’un drame, dans…