Un sac de billes
Lettre de Henri Chuna Bajtsztok à son professeur
Henri Chuna Bajtsztok, après avoir infiltré un réseau de collaborateurs fascistes est chargé d’en éliminer l’un des chefs. C’est au cours de cettemission qu’il est arrêté puis condamné à mort. Il est fusillé à l’âge de 20 ans..
Henri Bajtsztok Prison de Fresnes (Seine1) – 6 octobre 1943 Fresnes, le 6 octobre 1943 à 13 heures Bien cher MonsieurPeyreigne et dévoué éducateur, Je ne pensais pas avoir à vous écrire un jour dans de telles conditions, et un tel texte ! Je vais en effet être exécuté dans trois heures. J’ai été arrêté le 1er juinpour terrorisme (actes de Francs-tireurs et partisans) et condamné avec 25 frères d’armes le 1er octobre, jour de rentrée des classes. Et je me permets de vous adresser l’une de mes trois dernièreslettres. Tout d’abord, et encore, je me dois de vous remercier de la bonne année 41-42, que je vous dois en grande partie. Pour vous remercier d’avoir essayé, en vain évidemment, de me détourner decette voie où vous pressentiez, je le voyais, que je m’engageais. Mais, mon cher ami, je me sentais fait un peu autrement que la majorité des jeunes, et j’ai toujours voulu faire ce que je disais, unefois mes décisions prises. Ce qui fait que je ne regrette rien, que de causer de la peine à mes amis et camarades, à mes parents, à mon frère. Je vais peut-être abuser de votre obligeance, mais je vousprie d’écrire à mon ancien professeur de français, Monsieur Bougnet, aujourd’hui directeur de l’école de garçons Thiers, Le Raincy (S.& O.2), en lui exprimant également mes remerciements, et pour leprier de s’occuper activement de mon jeune frère, qui est actuellement élève dans son établissement. Je vous prie de faire savoir mon sort à mes autres profs, ainsi qu’à Monsieur Bousson et au conciergede l’école, qui le fera savoir à Monsieur Plaud. C’est, en gros, tout ce que j’avais à vous dire. Ce que je pense, vous le devinez. Je ne regrette rien. Je ne me sens pas [à] plaindre. Je crois que…