Zone

Introduction
C’est le poème d’ouverture du recueil Alcools (1913), mais il parle du centre de Paris, ce qui en fait une ouverture paradoxale. (Titre : Zone, alors qu’il est question de la tour Eiffel,…).
On peut donc penser qu’il reprend l’étymologie grecque « ceinture » : il fait à pied le tour de la ville, mais aussi le tour de ses problèmes (interrogations sur lui – même, son enfance, sareligion : réflexion sur les souffrances, sur l’amour).
On est frappé par l’apparence du poème : certains vers sont détachés, d’autres regroupés en strophes ; il n’y a pas réellement de régularité. Ce sont des vers libres (pas de mètres réguliers), les lois de la versification ne sont pas respectées. Ces vers riment à peine : ils sont assonancés. Pas de ponctuation.
Le poème n’est pas complètementdéroutant, mais apparaît quelquefois bizarre.
Dans un premier temps, en quoi le poème est-il innovant pour 1913, puis comment Apollinaire fait l’éloge du monde moderne.

Lecture
Zone

A la fin tu es las de ce monde ancien

Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin

Tu en as assez de vivre dans l’antiquité grecque et romaine

Ici même les automobiles ont l’air d’êtreanciennes
La religion seule est restée toute neuve la religion
Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation

Seul en Europe tu n’es pas antique ô Christianisme
L’Européen le plus moderne c’est vous Pape Pie X
Et toi que les fenêtres observent la honte te retient
D’entrer dan une église et de t’y confesser ce matin
Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout hautVoilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journaux
Il y a les livraisons à 25 centimes pleines d’aventure policières
Portraits des grands hommes et mille titres divers

J’ai vu ce matin une jolie rue dont j’ai oublié le nom
Neuve et propre du soleil elle était le clairon
Les directeurs les ouvriers et les belles sténo-dactylographes
Du lundi matin au samedi soir quatre fois parjour y passent
Le matin par trois fois la sirène y gémit
Une cloche rageuse y aboie vers midi
Les inscriptions des enseignes et des murailles
Les plaques les avis à la façon des perroquets criaillent
J’aime la grâce de cette rue industrielle
Située à Paris entre la rue Aumont-Thieville et l’avenue des Ternes

Annonce des axes

Etude
I) L’innovation poétique :
1.1) Une énonciationoriginale
-> repères brouillés (de temps, de personne)
a) Indice personnel « je »= poète (V15-V23)
b) Indice personnel « tu » : christianisme personnifié et invoqué.
Dialogue fictif entre le poète (« je ») et le christianisme, ainsi que le Pape.
Enonciation personnelle complexe et propice aux ambiguïtés.
c) Indices temporels : « Ce matin » est employé à la fois avec des verbes au présent (-> énonciationimmédiate), mais aussi avec un verbe au passé composé. On peut donc se demander où sont situées les paroles du poète.
Tous les repères sont brouillés, d’autant plus que la ponctuation est inexistante -> décalage constant, effort de représentation de la part du lecteur. Représentation de la réalité fragmentaire. A partir du vers 16, évocation du rythme hebdomadaire et quotidien de la rueindustrielle.

Ce matin / Le matin
-> précis -> en général.
Mais innovation du poème aussi dans l’écriture.

1.2) L’écriture
V3 : S’adresse-t-il à lui-même ou à la tour Eiffel ?
Absence de rimes : Apollinaire se contente d’assonances ou de rimes pauvres.
L’auteur use de rythmes qui n’apparaissent pas classiques : vers libres, pas de mètres particuliers, mais aussi vers pluslongs (± 15 syllabes)
Vocabulaire : de la poésie.
C’est lui le premier à supprimer la ponctuation.
Vocabulaire remarquable : nombreuses expressions familières, banales : « il y a », « prospectus », …
-> risque de mettre en péril la qualité poétique du texte.
Ce vocabulaire est introduit dans la poésie, car elle fait l’éloge du quotidien, de la vie moderne.

II) L’éloge du quotidien, de la…