Arrêt 10 mars 2004, la protection du logement familial

Commentaire d’arrêt,
Civ 1ère, 10 mars 2004

Introduction

Par un arrêt en date du 10 mars 2004, la Deuxième Chambre Civile de la Cour de Cassation a eu l’occasion de faire grand bruit par une interprétation extensive de l’article 215 al 3 relativement à la protection du logement familial en matière matrimoniale.

En procédure de divorce, Mme X s’est fait attribuer judiciairement ledomicile familial. Un an après cette décision, M X l’époux, en qualité de propriétaire non occupant de l’immeuble résilie le contrat d’assurance « multirisques » dans le but de le remplacer par un contrat « Grand toit ». A peine plus de deux mois plus tard, l’immeuble se trouve en partie détruit par un incendie. Mme X qui avait accepté dans un premier temps le montant des indemnités versées parl’assureur, tout en émettant des réserves, assigne ce dernier en dommages et intérêts au motif que l’acte de résiliation opéré seul par le mari était nul car ce dernier ne disposait pas de la jouissance du bien.

Dans un premier temps, la Cour d’Appel de Douai rejette la demande de Mme X sur le fondement de l’article 220 du Code Civil au motif que le contrat d’assurance lié au logement familial était uncontrat que chacun des époux pouvait passer seul et par conséquent résilier seul. En 2004, Mme X décide alors de former un pourvoi en cassation devant la Deuxième Chambre Civile.

La question posée à la Cour pouvant se résumer en ces termes : L’assurance de dommages portant sur l’immeuble abritant le famille doit-elle être considérée comme un droit par lequel est assuré le logement au sens del’article 215 al 3, impliquant de ce fait une cogestion des époux ?

La Cour accueillera la demande de Mme X et censurera les juges du fond sur le fondement des articles 215 al 3 et 220 du Code Civil au motif que « l’époux ne pouvait pas résilier sans le consentement de son conjoint le contrat d’assurance garantissant le logement familial ».

Afin d’analyser cette décision que la doctrinequalifiera de surprenante, il conviendra dans un premier temps de s’intéresser à la protection absolue du logement familial mise en avant par la Cour de Cassation (I) avant de se demander si cette interprétation de l’article 215 al 3 en matière de contrat d’assurance ne pourrait pas être quelque peu trop extensive (II).

I) Le logement familial : Une valeur à protéger à tout prix pour la Cour deCassation

Si la Cour de Cassation vise ensemble les articles 220 et 215 du Code Civil dans cet arrêt du 10 mars 2004, c’est qu’il n’apparaît pas possible de parler de réelle censure des juges du fond. Mais si la Cour reprend en effet le fondement de l’article 220, elle enrichira ce dernier de l’article 215, propre au logement familial.

A) Le contrat d’assurance : Un caractère assurémentménager

Au regard des visas considérés par la Cour de Cassation, celle-ci ne rejette pas totalement le fondement des juges de la Cour d’Appel. En effet, les deux Cours s’accorderont pour dire que l’espèce relève bien de l’article 220 du Code Civil et du principe de solidarité entre les époux dont il pose le principe.

Le visa de cet article 220 pose ainsi trois questions principales à la Cour deCassation, telles que celle de l’instance de divorce, celle du caractère ménager du contrat résilié par l’époux X et enfin celle de la possibilité de résilier seul un acte ayant un caractère ménager, corolaire du principe posé par l’article 220.

En effet, l’espèce se déroule dans le cadre d’une instance de divorce des deux époux, ainsi il convenait à la Cour de se demander si ce moment situéentre le mariage et le divorce s’accordait avec les dispositions du régime primaire de sorte que la solidarité entre époux posée par l’article 220 demeure applicable. A cette question, la Cour d’Appel puis la Cour de Cassation appliqueront une jurisprudence déjà ancienne de la Première Chambre Civile du 7 juin 1989 posant le principe de continuité des dispositions du régime primaire jusqu’au…