Langagedesjeunes
La langue des jeunes des cités. Comment tu tchatches !
Conférence du Casnav de l’académie de Paris 27 janvier 1999 Amphithéâtre du lycée Denis Diderot. Paris 19ème.
Jean-Pierre Goudaillier
Professeur au département de linguistique générale et appliquée. Faculté des Sciences Humaines et Sociales – Sorbonne Université René Descartes (Paris V)
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La langue des jeunes des cités. Comment tutchatches !
Jean-Pierre Goudaillier
Le centre de recherches linguistiques de l’université René Descartes étudie les phénomènes langagiers du français parlé. La linguistique est une pratique d’enquêtes de terrain sur les lieux mêmes où les phénomènes langagiers se passent. Le corpus est incontournable. Tout est basé sur les relevés.
Le rappel historique :
Les argots existent dans toutes leslangues du monde. Les locuteurs ont toujours cherché à contourner ces tabous. Des pratiques langagières périphériques se mettent en place notamment dans l’univers carcéral. L’argot des prisons permet de faire passer des messages secrets. Les goulags aussi ont suscité des types d’argot. En France, l’argot a ses lettres de noblesse chez certains écrivains. L’argot de la coquille est le premiertémoignage en France. Sur le siècle, l’argot évolue très rapidement: l’argot des années 30, des années 50 dans les films avec Jean Gabin, des années 70 dans le film « les valseuses », maintenant dans les années 90 dans « la haine » et dans « le ciel, les oiseaux et ta mère ». Dans le français des cités, l’argot est lié au français contemporain. On pratique l’argot dans certains cas. Ainsi, A. Boudardfabrique de l’argot avec des mots « l’argot apporte des épices à la langue française ». On peut aussi faire de l’argot sans mot d’argot . Ex : « On va se refaire une santé. » Moins on utilise de mots d’argot, moins on a de chance d’être compris sauf si on est dans la connivence. Des énoncés peuvent être aussi des marqueurs d’argot. Des situations peuvent aussi susciter de l’argot. Dans le secteurcommercial, le « parler boucher » permet de masquer le contenu des phrases devant la clientèle. Ce qui caractérise, l’argot contemporain est sa fonction identitaire afin de marquer sa différence par rapport aux autres groupes. Ce franç ais contemporain est lié à une fracture sociale. Une fracture sociolinguistique se met en place en utilisant des mots qui ne sont pas connus de la langue française.Des témoignages révèlent cette pratique langagière actuelle : _Une jeune d’origine comorienne s’exprime ainsi pour expliquer cette pratique : « C’est un truc bien à eux. Ils se retrouvent dedans. » _ Malika dit: « Nous les reubeux, on ne se tape pas la tête contre les murs. » _ Saïd : « On utilise les mots de notre langue. » _ Patrick : « On en a marre de parler le français normal. » Ce parlerpermet d’exercer la fonction identitaire du langage.
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2. La mise en place de ce langage :
D’abord, on emploie le verlan en inversant l’ordre des syllabes. Puis, un stock de mots se met en place ( environ 2800 à 3000 mots). La communication s’effectue avec cette langue-là. Les enquêtes et les relevés de corpus sont menés sous forme de questionnement. Au début du siècle, la société étaitrurale, puis elle est devenue prolétarienne avant-guerre. Aujourd’hui, le prolétariat s’est embourgeoisé ou a disparu. La parole contemporaine est liée à la culture urbaine ou péri-urbaine. Cette population, située à la périphérie des grandes villes, représente approximativement 12 millions de personnes de souche ou issues de l’immigration. Les différentes langues en usage dans les cités sont àl’origine de nombreux emprunts utilisés dans les constructions de la langue des cités. Les relevés effectués expliquent les procédés et les figures de style employés dans les constructions de la langue des cités. On peut se reporter aux exemples de construction ci- joints et aux procédés d’élaboration les plus couramment utilisés à savoir : • les métaphores liées à la publicité contemporaine ou à des…