Albert camus ou l’honnêteté désespérée
Albert Camus ou l’honnêteté désespérée
Nestor Turcotte- Matane
Albert Camus, mort accidentellement le 4 janvier 1960, n’était pas un philosophe au sens technique du mot. Le mot «témoin» luirendrait justice. Son œuvre, en effet, rend témoignage d’une certaine sensibilité contemporaine devant le silence de Dieu face à la détresse et à la souffrance humaine. Pour l’auteur du Mythe de Sisyphe,si l’Absolu existe, il se tait drôlement devant le destin des hommes. Et s’il se tait ainsi, serait-ce parce qu’il a abandonné sa créature et ne sait plus comment composer avec elle ou prend-t-iltoujours le risque de lui laisser une liberté qui peut la conduire jusqu’à s’opposer à lui et vivre dans le refus définitif?
Que dirait Camus aujourd’hui? Dirait-il et écrirait-il la même chose?Écrirait-il autre chose et autrement? En ces temps d’Apocalypse, il semble que le siècle qui s’amorce, héritier des affres du précédent, étouffe sous la pléthore des faux prophètes. La matière ne manqueraitpas au romancier
Des millions d’êtres humains souffrent toujours. Quarante mille enfants meurent quotidiennement de la faim. La justice est une caricature sinistre. Les enfants jouent à la guerresur leur ordinateur et l’humanité est assourdie par le lessivage constant de la propagande. La vingt-cinquième heure sonne et on réclame un Messie qu’on ne voit point venir. Les chrétiens de La Pestemoderne chancellent devant l’apostasie planétaire. Ils n’ont pas d’autre réponse à présenter à Camus et aux nouveaux qui sillonnent nos cités qu’un Dieu fait homme, pendu sur une croix. Est-ce laréponse et si oui, comment la faire accepter à une humanité qui ne compte plus que sur ses propres forces pour réaliser l’avenir de l’histoire.
Le silence de Dieu serait-il une autre façon de parler del’absurdité de l’univers. L’homme serait-il devenu une «passion inutile»? Camus est catégorique : l’impossible n’est pas. Le ciel n’existe pas. Le mur de l’absurdité enserre l’homme dans sa…