Alchimie du verbe
A moi. L’histoire d’une de mes folies.
Depuis longtemps je me vantais de posséder tous les paysages possibles, et trouvais dérisoires les célébrités de la peinture et de la poésie moderne.J’aimais les peintures idiotes, dessus de portes, décors, toiles de saltimbanques, enseignes, enluminures populaires ; la littérature démodée, latin d’église, livres érotiques sans orthographe, romansde nos aïeules, contes de fées, petits livres de l’enfance, opéras vieux, refrains niais, rythmes naïfs.
Je rêvais croisades, voyages de découvertes dont on n’a pas de relations, républiques sanshistoires, guerres de religion étouffées, révolutions de mœurs, déplacements de races et de continents : je croyais à tous les enchantements.
J’inventai la couleur des voyelles ! – A noir, E blanc,I rouge, O bleu, U vert. – Je réglai la forme et le mouvement de chaque consonne, et, avec des rythmes instinctifs, je me flattai d’inventer un verbe poétique accessible, un jour ou l’autre, à tousles sens. Je réservais la traduction.
Ce fut d’abord une étude. J’écrivais des silences, des nuits, je notais l’inexprimable. Je fixais des vertiges.
Alchimie du verbe est le deuxième volet dudiptyque poétique intitulé Délires. Dans le premier Délire, le poète donne la parole à « un compagnon d’enfer » qui confesse ses fautes pour exorciser son vice. Dans le second Délire, « Alchimie du verbe »se présente comme la confession d’un être tourmenté qui analyse avec ironie et dérision son expérience poétique finalement tragique. Il fait une autocritique de son parcours chaotique et reconnaîtseserreurs. Le regard qu’il porte sur son passé est un regard lucide. « Alchimie du verbe » stigmatise la crédulité et la naïveté dont il a fait preuve. Il utilise l’imparfait et le passé simple, verbesau passé pour bien préciser qu’il s’agit d’une expérience révolue, qu’il cherche à oublier, à effacer de ses souvenirs. Les références temporelles sont floues, aucune datation précise, aucun repère…