Anthologie poétique

1) Christine de Pisan (1364 – 1431)

Biographie : Née à Venise vers 1364 et morte vers 1432, elle suit son père Thomas de Pizan (Tommaso di Benvenuto da Pizzano), médecin réputé et conférencier d’astrologie à l’université de Bologne, appelé à Paris par Charles V en 1368. Auparavant, son père, né à Bologne, avait été appelé à Venise, en Hongrie ; il s’était fait une grande réputation par sesprédictions (comme pour beaucoup de ses « confrères », la médecine lui servait surtout de « couverture » vis-à-vis de l’Église qui interdisait toute forme de voyance).
Christine reçoit à la cour l’éducation donnée aux jeunes filles de la noblesse et commence à composer des pièces lyriques qui lui valent l’admiration et même de nombreuses demandes en mariage – quoique de son propre aveu celles-cisoient également motivées par la position de son père auprès de Charles V. La personnalité du sage roi, d’ailleurs, marquera profondément la jeune Christine, qui le fréquente quotidiennement à la cour. En 1379, elle épouse Étienne de Castel, noble peu fortuné qui acquiert à l’occasion de cette union les charges de secrétaire et notaire du roi. Mais Charles meurt peu après en 1380 et Étienne se trouvesans charge ni revenu. Tommaso da Pizzano meurt entre 1385 et 1390 ainsi qu’Étienne, ruiné en 1390.
Âgée alors de 26 ans, elle se retrouve avec trois enfants à charge, sans appui ni famille à la cour. Réduite à la pauvreté et devant essuyer plusieurs procès pour dettes, elle se résout à travailler pour nourrir ses enfants et choisit le métier d’homme de lettres (« de femelle devins masle »). Ellese réfugie alors dans l’étude et compose une série de pièces lyriques compilées dans Le Livre des cent ballades qui obtiennent un grand succès. Ces pièces dans le goût alors à la mode pleurent son défunt mari et traitent de son isolement, de sa condition de femme au milieu de la cour hostile. Elle obtient alors des commandes et la protection de puissants comme Jean de Berry et le duc Louis Ierd’Orléans. Elle prend alors de l’assurance et s’attelle à la rédaction d’écrits érudits philosophiques, politiques, moraux et même militaires. Elle s’engage alors parallèlement dans un combat en faveur des femmes et notamment de leur représentation dans la littérature. Elle s’oppose en particulier à Jean de Meung et à son Roman de la Rose, alors l’œuvre littéraire la plus connue, copiée, lue etcommentée en Europe occidentale. Elle force par son obstination et son courage l’admiration de certains des plus grands philosophes de son temps tels Jean de Gerson et Eustache Deschamps qui lui apporteront leur appui dans ce combat.
Poème :
Je ne sais comment je dure,
Car mon dolent ( = souffrant) cœur fond d’ire ( = de douleur)
Et plaindre n’ose, ni dire
Ma douloureuse aventure.
Ma dolente vieobscure,
Rien, fors ( = si ce n’est) la mort ne désire ;
Je ne sais comment je dure.
Et me faut, par couverture ( = dissimulation),
Chanter que mon cœur soupire
Et faire semblant de rire ;
Mais Dieu sait ce que j’endure.
Je ne sais comment je dure.
Rondeaux, avant 1430

De claris mulieribus, Giovanni Boccaccio (Quatre suivantes de la Reine jouant de la musique.Illustration du début du XVe siècle, conservée à la British Library)
2)
3) Pierre de Marbeuf (1596 – 1645)

Biographie :
Pierre de Marbeuf (1596-1645) est un poète baroque français du XVIIesiècle.
Né à Sahurs, il fait ses études au collège de La Flèche et vit à Paris de 1619 à 1623. Il étudie le droit en compagnie de Descartes. Auteur de sonnets baroques et du Recueil de vers, il met enœuvre les thèmes de la nature, de la fragilité de la vie et de l’amour.
Il est notamment l’auteur de À Philis, un sonnet baroque qui associe avec virtuosité le thème de l’eau à celui de l’amour, notamment en utilisant les champs lexicaux respectifs de ces thèmes.

Poème :
Et la mer et l’amour ont l’amer pour partage,
Et la mer est amère, et l’amour est amer,
L’on s’abîme en l’amour…