Antigone

Sujet : Anouilh, dans sa réécriture de l’histoire d’Antigone, a refusé à Hémon la possibilité de répondre à sa fiancée, quand elle lui annonce qu’elle ne l’épousera pas. [lire la scène d’Anouilh entre Antigone et Hémon]

Vous imaginerez une scène entre Antigone et Hémon, au cours de laquelle ce dernier essaie de la convaincre de vivre et s’efforce d’obtenirainsi, au nom de leur amour, ce que Créon n’a pas obtenu.

Hémon, Antigone, puis un garde.
Hémon. – Quelle est donc, Antigone, cette fièvre qui t’anime ? Polynice est mort et tu n’y peux rien changer. A présent, la mort te menace à ton tour, mais tu peux dire le mot qui te délivre.
Antigone. – La mort, je l’ai compris, est ma seule délivrance. Je retournerais encore – s’il le fallait – la terrede mes ongles, et la déposerais sur le cadavre de mon frère défunt. Je ne peux abandonner ainsi Polynice aux bêtes et aux oiseaux de proie et permettre que son âme ne trouve jamais le repos.
Hémon. – Pas plus que tu ne peux enfreindre à ton gré les lois de mon père.
Antigone. – Créon et ses gardes ne sont pas un obstacle pour moi.
Hémon. – Pourquoi un tel sacrifice, une telle obstination ?Oublies-tu la sentence qui t’attend ? Je t’en supplie, Antigone, soumets-toi. Tu n’es pas faite pour mourir. Quand bien même tu recouvrirais de nouveau le corps de Polynice, les gardes enlèveraient la terre et te livreraient aussitôt à mon père. Tu n’aurais alors pas d’autre chance. Renonce donc à mourir ! Il t’est si simple de rester en vie … Ne brave pas les lois de Créon. Songe à la vie quipourrait être la nôtre si tu daignais céder au roi. Mon père t’a offert une ultime chance ; saisis-la. Marions-nous, Antigone, et oublions tout cela. Tu ne m’avais pas laissé jusqu’ici la possibilité de te répondre, mais maintenant tout est différent ; tu as changé, n’est-ce pas ?
Antigone. – Mais …
Hémon. – Je ne l’ai compris qu’après. Tu ne voulais pas me faire souffrir et tu voulais doncm’éloigner de toi. J’entends encore tes mots : « Sors, sors … » ; « Tu m’as juré, Hémon … » ;  » Je t’en supplie… « . Interdit, stupéfait, j’ai tenu parole, mais mon amour m’a ramené à temps auprès de toi. Tu vas vivre parce que nous t’aimons : Ismène, moi … Tu es vivante ; Polynice est mort. Cela ne vaut pas que tu te sacrifies. Ne tente pas ce qui est au-dessus de tes forces !
Antigone. – Tu parlesde mon frère, Hémon. Etéocle a connu des funérailles nationales ; Polynice est livré aux corbeaux et son âme est vouée à errer sans repos.
Hémon. – L’aurait-il fait pour toi, Antigone ? Aurait-il renoncé à sa propre vie pour sauver la tienne?
Antigone. – Je suppose que …
Hémon. – Polynice ne t’aimait pas.
Antigone. – Silence !
Hémon, la secoue soudain. – Il ne t’aimait pas plus qu’iln’aimait ton père.
Antigone, crie à genoux. – Silence, silence … je t’en supplie !
Hémon. – Aurait-il risqué de mourir pour le repos de ton âme ? Un vaurien, un révolté, un voyou ! Tu es belle, jeune …, songe à ce que susciterait ton sacrifice dans Thèbes ! Songe à notre amour, à notre bonheur. Pourquoi ce geste absurde ? Je t’en prie, Antigone, soumets-toi ! Obéis à mon père ! Choisis la vie !Antigone. – Si seulement …
Hémon. – Mon père t’aime bien et veut te sauver ; ne l’oblige pas à te faire mourir. Tu ne peux pas toujours être au-dessus de la loi. Je sens que tu as peur. Tu n’es pas prête à affronter la douleur, la torture, la mort. Toi si jeune, si innocente, si éblouissante comme le soir où je te demandais d’être ma femme.
Antigone. – Je veux …
Hémon. – Et notre petit garçon? Qui mieux que toi serait une bonne mère pour notre enfant ? Qui mieux que toi calmerait ses angoisses, adoucirait sa peine, apaiserait ses souffrances ?
Antigone. – Hémon …
Hémon, lui prend la main. – Renonce, mon amour ! Ne fais pas cette folie ! Une femme si belle, un coeur si fragile, si tendre ! Une âme si pure soumise aux mains cruelles des gardes et à la fureur de la mort ! non !…