Arthur rimbaud – vie & oeuvre
Arthur Rimbaud
La violence intérieure de l’adolescence, l’absurdité de la guerre, la révolte de la Commune font soudain s’épanouir, mieux vaudrait dire exploser, le plus singulier génie poétique que la France ait jamais connu, celui d’Arthur Rimbaud (1824 – 1891) qui, à seize ans, passe du climat enfantin de l’école et de l’école buissonnière à l’exaltation de l’aventure. Vagabond déjà, dans sesfugues vers Paris ou la Belgique, il vit ses poèmes où brille l’innocence d’un regard neuf porté sur le monde. Le temps de sa liaison avec Verlaine sera pour lui le temps de la poésie : celui des espoirs les plus audacieux, celui aussi, pour finir, du désespoir. Une vie et un génie brûlés en trois ans, et issue de ce feu, une oeuvre brève – quelque centaines de pages – mas chargée d’unerévolution spirituelle dont l’efficacité demeure inaltérée. Puis le silence, si abrupt et si total qu’il paraîtra aux générations suivantes aussi exemplaire que la voix à laquelle il succède étrangement. Dix-huit années plus tard, lorsque Rimbaud revient d’Abyssinie où il a mené l’existence du trafiquant d’armes, lorsqu’amputé d’une jambe il meurt à l’hôpital de Marseille, il semble n’avoir eu de communavec le poète des Illuminations que le nom. Le poète est mort à dix-neuf ans, que sait-ont en fait de l’homme qui lui a survécu ? L’énigme de cette dualité a donnée jour à bien des mythes intéressants et contradictoires, ce qui importe pour nous c’est que par sa destinée aussi bien que par son oeuvre, Rimbaud n’a cessé d’éclairer et d’inquiéter depuis plus d’un demi-siècle tous ceux pour qui lapoésie est indissolublement tentation du verbe et nostalgie du silence. «Voleur d’étincelles», nul ne l’est plus que Rimbaud, poète prométhéen : impatient de se libérer et de libérer l’homme de tous les préjugés, de toutes les insuffisances, de retrouver en lui une pureté sauvage égale à celle des éléments. Pour l’adolescent Rimbaud se confondent poésie et soif de la révolution, d’une révolution totale,engageant l’être dans son intégrité ; immense, aventureuse entreprise de libération sur le plan social comme sur le plan moral ou métaphysique. Le poète est l’annonciateur de toutes les libertés : celles de la femme et de l’amour : L’amour est à réinventer … Quand sera brisé l’indéfini servage de la femme … celles qui pourraient donner enfin un sens à cette vie enlisée en la faisant départperpétuel ainsi que l’a rêvé le «Poète de Sept Ans» : … seul, et couché sur des pièces de toile Ecrue, et pressentant violemment la voile!… Les entraves, les interdits, les limites, il n’est pas un mot, pas une image rimbaldienne qui tendent à les détruire. Dans cette lutte le poète manie les armes les plus diverses : celles de la déraison aussi bien que de la raison, de l’imagination aussi bienque des sens, de l’art aussi bien que du rêve. Lucidité ou délire, Rimbaud les embrasse avec une égale ardeur. C’est sa lucidité qui le pousse d’abord à nier ce monde irrecevable («Nous ne sommes pas au monde») pour lui substituer un univers de l’imagination dont il serait le Créateur, un univers poussé jusqu’à l’extrême élan du délire, mais c’est encore sa lucidité qui, plus tard, lui ferarejeter la poésie dont il dénoncera l’impuissance à «changer la vie». Dès ses premiers vers, avant même le Bateau Ivre ou Les poètes de Sept ans où il remarque, insurgé de naissance : Il n’aimait pas Dieu, mais les hommes, qu’au soir fauve, Noirs, en blouse, il voyait rentrer dans le faubourg … Rimbaud a conscience de la démesure comme des dangers de la tâche qu’il se fixe, de la fierté et del’audace qu’elle implique, de la découverte enfin qu’il en espère : celle d’une vraie vie ouverte à l’infini. «Ce qu’on ne sait pas, c’est peut-être terrible. Nous saurons», ou bien encore : «Notre pâle raison nous cache l’infini !», «Tes grandes visions étranglaient ta parole. Et l’infini terrible effara ton oeil bleu !» Une aspiration violente à transgresser les communes frontières et, au service…