Autoportrait de charles de gaulle

Le Salut du général de Gaulle, publié en 1959, est le troisième tome de ses Mémoires de guerre. Ces mémoires font aussi l’autoportrait du général. En effet, les mémoires mettent en lumière l’histoire de l’époque racontée, l’autoportrait de leur auteur, et donc en quelque sorte l’histoire du mémorialiste lui-même. Aussi, quel autoportrait de Gaulle fait-il de lui ? D’abord se donne-t-il l’imaged’un héros, celui d’un personnage de légende, hors du commun. Ensuite il est à l’instar d’un sauveur, celui de la France, qu’il sert sans relâche. Enfin il est cet homme providentiel auquel une mission est confiée, incarnant la grandeur de la France et surtout son avenir.

I] Un héros
a) L’incarnation d’un « chef »
Celui que le mémorialiste appelle « de Gaulle » est un dirigeant exemplaire dansses responsabilités, n’en dérogeant jamais, les assumant jusqu’à leur terme. Justement, il se trouve « En charge » (p. 283) du pays, il en est l’autorité restaurée, la seule autorité. Aussi se voit-il chargé de prendre en main les forces armées alors convalescentes et peu structurées, avant de les remettre en les mains de l’état-major (p. 160-161). Il est aussi chargé des questions économiques,et ce en « dernier ressort » (p. 146). Il en va de son affaire de « tenir les rênes » (p. 123) du gouvernement provisoire. Il se montre certes intraitable avec ses collaborateurs, mais « de Gaulle » l’est surtout avec lui-même. En réalité, il est « un chef qui ne saurait ni composer avec son devoir, ni plier sous son fardeau » (p. 158).
b) Le charisme du héros
L’action du général de Gaulle meten lumière des qualités propres aux héros, mythologiques, fictifs, ou non. Dès son retour sur le sol natal, il s’attelle à faire un tour de France des Provinces, il multiplie tant les déplacements que le lecteur voit en lui le chef omniprésent, le héros rêvé (p. 15-30), doué d’ubiquité. Surtout, de Gaulle montre sa clairvoyance et sa certitude quant aux évènements à venir. Il affirme même qu’il nepeut « se bercer d’illusions » (p. 10) mettant en exergue que rien ne peut le surprendre, pas même « l’incident fâcheux » durant lequel les allemands percèrent les Ardennes et condamnèrent les troupes alliées, sauf celles des généraux français, à se replier. De même, « le déferlement des passions nationalistes en Asie » ne l’étonne pas beaucoup plus. Et encore moins la défaite électorale deChurchill (p. 244) ou encore l’opposition entre lui et les partis politiques renaissants. Surtout, les décisions prises sont efficaces et montrent ses capacités à anticiper l’avenir, à prévoir. Lorsque de Gaulle est amené à quitter le pouvoir, il affirme qu’ « aujourd’hui, après d’immenses épreuves, la France n’est plus en situation d’alarme » (p. 341). Ses vingt mois de gouvernement ont permis leredressement de la France et l’assurance d’une prospérité à venir.
c) Un personnage de légende
Le mémorialiste distingue sa propre personne et le dirigeant de la France, « de Gaulle ». Ce personnage, en plus d’être officiel, entre dans la légende ou est en passe d’y entrer. D’ailleurs on peut constater que ses déplacements suscitent l’ovation du peuple (p. 20). Surtout, « quant à de Gaulle,personnage quelque peu fabuleux, incorporant aux yeux de tous cette prodigieuse libération, on compte qu’il saura accomplir par lui-même tous les miracles attendus » (p. 10). Seul un personnage légendaire ou mystique peut faire des « miracles ». Même s’il apparait surtout ainsi aux yeux des compatriotes français, il n’en demeure pas moins que lors de ses visites extérieures, en Allemagne (p. 263), auxEtats-Unis (p. 257), au Canada (p. 258), les foules acclament « Charles de Gaulle ».

II] Un sauveur
a) Au service de la France
Plus que d’être un héros, le général de Gaulle idéalise son personnage. Effectivement, « de Gaulle » se veut être le « champion de la France » (p. 285). Ainsi, il se montre comme le défenseur suprême de la « fille aînée de l’Eglise », prêt à tout pour veiller à ses…