Bac 1 er es

Objet d’étude : Le biographique.

Textes :

-Texte A – George Sand, Histoire de ma vie (incipit), 1855.
-Texte B – Jean d’Ormesson, « Sand », Une autre histoire de la littérature française, 1997.
-Texte C – Huguette Bouchardeau, La Lune et les Sabots, 1990.
-Texte D – F. O. Rousseau, Les Enfants du siècle, V, 1990.
-Annexe : Préface de Jérôme et Jean Tharaud à Histoire de ma vie de GeorgeSand, 1944.

Texte A – George Sand, Histoire de ma vie.

Le juillet 1804, je vins au monde, mon père jouant du violon et ma mère ayant une jolie robe rose. Ce fut l’affaire d’un instant. J’eus du moins cette part de bonheur que me prédisait ma tante Lucie de ne point faire souffrir longtemps ma mère. Je vins au monde fille légitime, ce qui aurait fort bien pu ne pas arriver si mon pèren’avait pas résolument marché sur les préjugés de sa famille, et cela fut un bonheur aussi, car sans cela ma grand’mère ne se fût peut-être pas occupée de moi avec autant d’amour qu’elle le fit plus tard, et j’eusse été privée d’un petit fonds d’idées et de connaissances qui a fait ma consolation dans les ennuis de ma vie.
J’étais fortement constituée, et, durant toute mon enfance, j’annonçais devoirêtre fort belle, promesse que je n’ai point tenue. Il y eut peut-être de ma faute, car à l’âge où la beauté fleurit, je passais déjà les nuits à lire et à écrire. Étant fille de deux êtres d’une beauté parfaite, j’aurais dû ne pas dégénérer, et ma pauvre mère, qui estimait la beauté plus que tout, m’en faisait souvent de naïfs reproches. Pour moi, je ne pus jamais m’astreindre à soigner ma personne.Autant j’aime l’extrême propreté, autant les recherches de la mollesse m’ont toujours paru insupportables.
Se priver de travail pour avoir l’œil frais, ne pas courir au soleil quand ce bon soleil de Dieu vous attire irrésistiblement, ne point marcher dans de bons gros sabots de peur de se déformer le cou-de-pied, porter des gants, c’est-à-dire renoncer à l’adresse et à la force de ses mains, secondamner à une éternelle gaucherie, à une éternelle débilité, ne jamais se fatiguer quand tout nous commande de ne point nous épargner, vivre enfin sous une cloche pour n’être ni hâlée, ni gercée, ni flétrie avant l’âge, voilà ce qu’il me fut toujours impossible d’observer. Ma grand’mère renchérissait encore sur les réprimandes de ma mère, et le chapitre des chapeaux et des gants fit le désespoirde mon enfance; mais, quoique je ne fusse pas volontairement rebelle, la contrainte ne put m’atteindre. Je n’eus qu’un instant de fraîcheur et jamais de beauté. Mes traits étaient cependant assez bien formés, mais je ne songeai jamais à leur donner la moindre expression. L’habitude contractée, presque dès le berceau, d’une rêverie dont il me serait impossible de me rendre compte à moi-même, medonna de bonne heure l’air bête. Je dis le mot tout net, parce que toute ma vie, dans l’enfance, au couvent, dans l’intimité de la famille, on me l’a dit de même, et qu’il faut bien que cela soit vrai.

Texte B – Jean d’Ormesson,  » Sand « , Une autre histoire de la littérature française.

George Sand fumait le cigare, s’habillait en garçon, dévorait, de Musset à Chopin, les hommes les plusremarquables de son temps et inclinait au socialisme. Les jugements sur son compte sont divers et parfois sévères.
« C’est la vache bretonne de la littérature », disait d’elle Jules Renard. Et Baudelaire, qui n’y va pas avec le dos de la cuillère : « La femme Sand est le Prudhomme1 de l’immoralité. Elle n’a jamais été artiste. Elle a le fameux style coulant cher aux bourgeois. Elle est bête, elle estlourde, elle est bavarde; elle a, dans les idées morales, la même profondeur de jugement et la même délicatesse de sentiments que les concierges et les filles entretenues. Que quelques hommes aient pu s’amouracher de cette latrine2, c’est bien la preuve de l’abaissement des mœurs de ce siècle. Je ne puis plus penser à cette stupide créature sans un certain frémissement d’horreur. Si je la…