Balzac

Le lys dans la vallée

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Etudes de moeurs. 2e livre. Scènes de la vie de province. T. 3. Le lys dans la vallée

Etudes de moeurs. 2e livre. Scènes de la vie de province. T. 3. Le lys dans la vallée

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Adaptation d’un texte électronique provenant de la Bibliothèque Nationale de France : http://www.bnf.fr/

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A MONSIEUR J.B. NACQUART, MEMBRE DE L’ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE. Cher docteur, voici l’une des pierres les plus travaillées dans la seconde assise d’un édifice littéraire lentement et laborieusement construit ; j’y veux inscrire votre nom, autant pour remercier le savant qui me sauva jadis, que pour célébrer l’ami detous les jours. DE BALZAC. A MADAME LA COMTESSE NATALIE DE MANERVILLE.  » Je cède à ton désir. Le privilége de la femme que nous aimons plus qu’elle ne nous aime est de nous faire oublier à tout propos les règles du bon sens. Pour ne pas voir un pli se former sur vos fronts, pour dissiper la boudeuse expression de vos lèvres que le moindre refus attriste, nous franchissons miraculeusement lesdistances, nous donnons notre sang, nous dépensons l’avenir. Aujourd’hui tu veux mon passé, le voici. Seulement, sache?le bien, Natalie : en t’obéissant, j’ai dû fouler aux pieds des répugnances inviolées. Mais pourquoi suspecter les soudaines et longues rêveries qui me saisissent parfois en plein bonheur ? pourquoi ta jolie colère de femme aimée, à propos d’un silence ? Ne pouvais?tu jouer avec lescontrastes de mon caractère sans en demander les causes ? As?tu dans le coeur des secrets qui, pour se faire absoudre, aient besoin des miens ? Enfin, tu l’as deviné, Natalie, et peut?être vaut?il mieux que tu saches tout : oui, ma vie est dominée par un fantôme, il se dessine vaguement au moindre mot qui le provoque, il s’agite souvent de lui?même au?dessus de moi. J’ai d’imposants souvenirsensevelis au fond de mon âme comme ces productions marines qui s’aperçoivent par les temps calmes, et que les flots de la tempête jettent par fragments sur la grève. Quoique le travail que nécessitent les idées pour être exprimées ait contenu ces anciennes émotions qui me font tant de mal quand elles se réveillent trop soudainement, s’il y avait dans cette confession des éclats qui te blessassent,souviens?toi que tu m’as menacé si je ne t’obéissais pas, ne me punis donc point de t’avoir obéi ? Je voudrais que ma confidence redoublât ta tendresse. A ce soir.  » FELIX.  » A quel talent nourri de larmes devrons?nous un jour la plus émouvante élégie, la peinture des tourments subits en silence par les âmes dont les racines tendres encore ne rencontrent que de durs cailloux dans le sol domestique dontles premières frondaisons sont déchirées par des mains haineuses, dont les fleurs sont atteintes par la gelée au moment où elles s’ouvrent ? Quel poète nous dira les douleurs de l’enfant dont les lèvres sucent un sein amer, et dont les sourires sont réprimés par le feu dévorant d’un oeil sévère ? La fiction qui représenterait ces pauvres coeurs opprimés par les êtres placés autour d’eux pourfavoriser les développements de leur sensibilité, serait la véritable histoire de ma jeunesse. Quelle vanité pouvais?je blesser, moi nouveau?né ? quelle disgrâce physique ou morale me valait la froideur de ma mère ? étais?je donc l’enfant du devoir, celui dont la naissance est fortuite, ou celui dont la vie est un reproche ? Mis en nourrice à la campagne, oublié par ma famille pendant trois ans,…