Cadres au travail

Si typiquement française, la notion de « cadre » a fait couler beaucoup d’encre dans la littérature sociologique. Car qu’est-ce qu’au juste un cadre ? A cette question les sociologues ont proposé desréponses variées. Mais si, comme nous le propose Charles Gadea, on dresse un tableau synthétique des multiples travaux menés sur la définition, l’identité, la fonction… des cadres, on s’aperçoitalors que les différentes analyses proposées depuis le xixe siècle relèvent toutes de trois grands paradigmes qui se sont succédé tout en se chevauchant, se concurrençant, se complétant…

Le premierd’entre eux est inspiré des réflexions de Saint-Simon : c’est le paradigme de la technocratie, qui assimile les cadres à des experts. Le deuxième paradigme – celui des classes sociales – tente desituer les cadres dans un univers où le rapport entre employeurs et ouvriers est souvent analysé comme centre de gravité majeur. Les cadres sont alors présentés comme des salariés de l’entre-deux qui onttoujours cherché à affirmer leurs différences pour mieux dépasser les oppositions entre classe dominante et classe dominée. Le dernier des paradigmes, enfin, s’instruit des travaux de la sociologienord-américaine pour analyser les cadres sur le modèle des professions.

L’examen de chacun de ces paradigmes est prétexte à une mise en perspective à la fois historique et internationale desrecherches qui, à l’instar de celles de Frédéric Le Play, Georges Lamirand, Luc Boltanski, Georges Benguigui…, ont amélioré notre intelligence du fait en question.

C’est, en d’autres termes, à uneplongée au coeur même de la sociologie in vivo, avec ses doutes, ses débats, ses querelles de méthodes, ses contradictions, ses liens multiples avec les autres mondes professionnels… que nous conduitcette investigation de longue haleine. Pour conclure, C. Gadea ouvre une nouvelle piste pour interpréter autrement l’énigme des cadres : et si ces derniers étaient une des expressions les plus achevées…