Capet 2010 eco

1- L’inflation a-t-elle une origine purement monétaire ?
L’idée que l’inflation, c’est-à-dire une augmentation généralisée et durable du niveau des prix, est
d’origine purement monétaire est due à l’économiste américain Milton Friedman (1912-2006). Pour
ce dernier, comme pour la plupart des économistes qui font une analyse analogue de l’égalité
comptable MV = PT (équation quantitative de lamonnaie), il existe un lien mécanique entre la
quantité de monnaie en circulation (M) et le niveau général des prix (P) dans une économie où la
vitesse de circulation de la monnaie (V) ainsi que le nombre de transactions (T) sont considérés
comme constants. Dans la mesure où dans les économies contemporaines, ce sont les banques
centrales qui prennent la décision d’émettre une quantité demonnaie donnée, ce sont ces institutions
qui seront par là même responsable de la hausse du niveau des prix. Afin que cela n’arrive pas, il
faut que la banque centrale s’en tienne à une émission de monnaie qui suive scrupuleusement
l’évolution des transactions, afin qu’il n’y ait pas de décrochage. Les institutions internationales
telles que la banque centrale européenne et la réserve fédéraleaméricaine semblent être imprégnées
de ces idées dites « monétaristes » puisqu’il apparaît qu’on leur a confié la mission de contrôler
l’inflation et que c’est pour cette raison qu’elles ont été rendues indépendantes du pouvoir politique,
afin qu’une baisse des taux d’intérêt ne serve pas à financer le déficit des pays auxquels elles sont
rattachées – une façon de faire diminuer la valeurmonétaires des dettes publiques qui pour
Friedman est responsable de la forte inflation des années 70.
Pour que ce mécanisme fonctionne, cependant, il faut supposer que les agents économiques,
en particulier les salariés, ne sont pas victimes d’illusion monétaire. Si c’est le cas, une baisse des
taux d’intérêts de la banque centrale aura pour conséquence une hausse de l’endettement des
ménages qui vontse mettre à acheter plus de biens. Dans ce cas, la croissance part à la hausse (la
quantité de transaction dans l’économie aussi) et s’il y a bien une hausse des prix, celle-ci sera
compensée par le fait qu’une hausse de la croissance engendrera une hausse de l’emploi et donc des
revenus au niveau global – c’est ce qui est montré par la courbe de Phillips, faisant apparaître une
relationnégative entre chômage et inflation. L’inflation, provoquée essentiellement par la demande,
n’est alors plus vraiment un problème puisqu’elle accompagne la croissance économique. En
revanche, si les individus ne sont pas victimes d’illusion monétaire, c’est-à-dire s’ils sont capables de
prévoir que la baisse des taux d’intérêts va s’accompagner d’une hausse des prix qui sera néfaste à
leur salaireréel, alors ils ne consommera plus et on aura une hausse des prix dans augmentation du
revenu national – on parle dans ce cas de stagflation. L’expérience des années 70 semble prouver
que Friedman n’avait pas vraiment tort sur ce point et on a fini par admettre que la banque centrale
était responsable de l’inflation.
Il existe pourtant des formes d’inflation qui ne sont pas strictementmonétaires. D’abord,
l’inflation peut être importée et résultat d’une hausse des prix à l’étranger qui n’est pas en rapport
avec les décisions de la banque centrale – c’est le cas d’un choc pétrolier, par exemple. L’inflation
peut également résulter des structures mêmes de l’économie, lorsque la place des syndicats ou
l’existence de règles telles que l’indexation des salaires sur les prix favorisentune inflation durable,
quelle que soit la décision de la banque centrale. Enfin, l’existence d’une rationalité des agents
limitée sur les marchés nous est prouvée par la présence de bulles spéculatives. Dans ce cas, il peut
y avoir une hausse exceptionnelle sur certains marchés – le marché immobilier par exemple – et
toute tentative de la banque centrale pour maîtriser l’inflation en…