Chanson

Chanson d’automne
Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon coeur
D’une langueur
Monotone.

Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l’heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure,

Et je m’en vais
Au vent mauvais
Qui m’emporte
Deçà, delà
Pareil à la
Feuille morte.Paul VERLAINE, Poèmes saturniens (1866)
Inconsolable
Are autumn violins
That bring a
Languorous,
Monotonous
Pain to the heart.
Bleached of importance,
Tolled and pale,
Slowly the hours
Strike out the past.
Suffocating, I
Recall and weep.
One with the wind
Tossed out to fall,
Uselessly carried
Hither and thither
One with the lifeless
Faded leaf.
INTRODUCTION

Comme tantd’écrivains et de poètes du XVIIIe S, Verlaine s’est laissé inspirer par le charme mélancolique de l’automne. Mais il traite ce thème, à sa manière musicale et harmonieuse tout en nuance et en accent léger. La douceur des sonorités, la fluidité d’un rythme varié, n’exclut cependant ni les regrets, ni la souffrance physique et morale ni la conscience d’une errance douloureuse et passive. Le poète etl’homme se révèlent avec sincérité et spontanéité dans ces quelques vers qui sonnent comme nue complainte nostalgique.

Liées par le thème de la souffrance et de l’errance, et marquée par une progression que souligne le « et » du v.13, les 3 strophes ont cependant une autonomie :
– La première évoque explicitement l’automne à travers une correspondance entre une sonorité et une douleur.
– Ladeuxième souligne la tentation de la mémoire et des souvenirs comme remèdes à la fuite du temps.
– La troisième conclut sur l’impuissance du poète dont la destinée est aussi fragile que celle des feuilles automnales.

On pourra analyser successivement :
I. 1re Strophe
II. 2ème Strophe
III. 3ème Strophe

I. PREMIERE STROPHE

On remarque qu’elle est construite sur des sonoritéssourdes adoucies par de nombreuses liquides (« l », « m », « n ») sans articulations fortes. Le seul verbe de la strophe (« blesse » v.4) qui appartient au champ lexical de la douleur, établit une correspondance entre la saison et la sensibilité du poète.
La saison : Elle est exprimée sous la forme d’un complément déterminatif (« de l’automne »). Le noyau du groupe nominal est donc le mot « sanglots» qui oriente immédiatement le texte vers une sonorité triste. Il faut 3 vers bref (4,4,3) indissous par la structure syntaxique et très proche par leurs sonorités pour préciser à la fois leur sujet grammatical et le thème du poème.
La sensibilité du poète : Elle est double (physique et affective) comme le souligne la répartition des mots « blesse », « cour », « longueur », « monotone » quis’appliquent à la fois au domaine affectif et au domaine physique. La rime « automne », « monotone » qui apparaît chez Baudelaire (dans chant d’automne) souligne la caractéristique de cette strophe, douceur douloureuse. Lenteur, harmonie, due aux répétitions (allitérations) et à l’absence de ponctuation.

II. DEUXIEME STROPHE
On note le changement de ton et l’absence apparente de lien logique.Les articulations sont plus nettes (présence d’occlusives : b, d, p, t, g, q, k). Le rythme est très nettement syncopé dans les vers 7 et 8. La ponctuation du v.9 semble couper la strophe 2 ; bien que la continuité soit établie à la fois par la rime en « eure » et par la construction syntaxique (subordonnée de temps et principale).
1re Partie : Le poète analyse ses réactions physiques, au momentd’une prise de conscience du temps (« heure », v.9). On peut voir là, sans certitude cependant, tout Verlaine aime à rester flou une allusion à la mort (la dernière heure : « Quand sonne l’heure »). Les réactions décrites sont proches de l’asphyxie (« suffocant », « blême », v.7-8). Le rythme des structures (7,4) et non plus (4,4,3) peut évoquer une lutte désespérée pour survivre.
2ème Partie :…