Commentaire d’arrêt
Répartition des compétences juridictionnelles – Conflit positif.
TC 23 octobre 2000, Préfet de police c/ M. Boussadar.
Les péripéties d’un délinquant marocain dont la fortune semblait au départ des plus ordinaire, vont être au cœur d’une énorme bataille contentieuse entre les juridictions judiciaires et l’administration, au nom du respect des droits de la défense.
Ressortissantmarocain vivant en France depuis quelques années, M. Boussadar s’est vu opposer un refus de titre de séjour et a fait l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière pris par le préfet des Hauts-de-Seine le 8 octobre 1998. Le 14 mars 1999, il a refusé de prendre l’avion à destination de son pays d’origine. Placé sous mandat de dépôt, il a été condamné le 18 juin 1999 par le tribunal de Créteil, àune peine de trois mois d’emprisonnement assortie d’une interdiction du territoire pendant trois ans. Le 21 juin 1999, il a fait appel de ce jugement.
Libéré le 14 août, il a été reconduit à la frontière le 18 août. Ainsi, lorsque le 12 octobre 1999, la Cour d’appel de Paris a, par défaut, confirmé le jugement attaqué, l’intéressé se trouvait alors au Maroc. Aussi a-t-il fait opposition à cetarrêt et la Cour d’appel a décidé que son recours serait examiné à son audience du 19 avril.
Désireux de comparaître en personne à l’audience, M. Boussadar a présenté le 9 mars 2000, au consul général de France à Fès, une demande de visa court séjour. Un refus lui a été opposé le 23 mars 2000. Il a sans doute formulé un recours hiérarchique devant le ministre des affaires étrangères qui aété rejeté. Le 10 avril 2000, il a assigné devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris ledit ministre, aux fins de voir constater une voie de fait. Un déclinatoire de compétence a été présenté le 14 avril 2000 par le préfet de police de Paris.
Estimant que la décision litigieuse constituait un trouble suffisamment grave pour caractériser une voie de fait, le juge desréférés a rejeté le déclinatoire de compétence et ordonné au ministre de délivrer un visa à M. Boussadar pour lui permettre d’être présent à l’audience de la Cour d’appel. Le préfet de police a donc élevé le conflit.
Devant le juge des conflits, le préfet de police contestait la compétence judiciaire en soutenant, d’une part, que M. Boussadar pouvant se faire représenter à l’audience, le refus devisa ne portait pas atteinte à la Convention EDH et que d’autre part, en tout état de cause, la compétence de l’autorité consulaire se rattachait manifestement à un pouvoir de l’administration.
M. Boussadar soutenait en revanche que sa présence à l’audience – statuant sur son recours en rétractation – étant obligatoire, un tel refus constituait une violation grave et manifeste de l’article 6de la convention EDH et par-là même une voie de fait.
Le tribunal des conflits, comme dans la plupart des conflits positifs, avait donc à répondre à une double question. D’une part, l’arrêté de conflit avait-il été régulièrement édicté ? D’autre part, était-il légalement fondé ; autrement dit, le refus de visa était-il caractéristique d’une voie de fait ?
Le tribunal a pris fait etcause pour l’Exécutif et confirma l’arrêté de conflit. Toutefois, la portée de cette décision va bien au-delà du cas d’espèce, puisqu’elle pérennise la notion même de voie de fait. En effet, depuis l’intervention de la loi du 30 juin 2000 relative aux référés devant les juridictions administratives, ces dernières sont, en cas d’urgence, dotées de pouvoirs d’agir efficacement contre l’administration.Les pouvoirs en référés ne sont donc plus l’apanage des seules juridictions judiciaires. Pourtant, le juge des conflits a pris le parti de maintenir en la réaffirmant solennellement, la nécessité de la voie de fait, certainement en raison de la garantie constitutionnelle dont bénéficie la compétence judiciaire en matière de protection des droits fondamentaux et, même s’il a considéré en…