Commentaire de colloque sentimental
Commentaire de « Colloque sentimental » de Paul Verlaine
Ce poème est le dernier extrait du recueil des Fêtes galantes, publié en 1869 et composé de vingt-deux poèmes qui réunissent divers personnages de la comédie italienne (Arlequin, Pierrot…) mais qui cèdent aussi la place à la mélancolie, la détresse et également au désespoir notamment avec ce dernier poème Colloque sentimental.Verlaine, en refusant ici l’idéalisation du souvenir amoureux, opère une vive rupture avec ses précédents poèmes, en reniant l’ensemble de son recueil sur une note ironique et funèbre.
Le poète fait plonger le lecteur dans un cadre spatio-temporel loin d’être idyllique et propice à l’échange amoureux, ce qui renforce le caractère sombre et désespéré que Verlaine confère à l’amour.Dès le premier vers du poème, on apprend que la scène a lieu dans un « parc ». Le parc en lui-même pourrait représenter un lieu idéal propice aux rendez-vous galants. Or ici, le parc est pourvu dès le premier vers de trois qualificatifs qui desservent cet aspect harmonieux : ce parc est « vieux, solitaire et glacé » (vers 1). La caractérisation du parc imprime une connotation péjorative maisune sensation de flou persiste et amène le lecteur à se questionner quant au choix d’un tel décor : s’agit-il d’un passé ancien, isolé, éloigné de toute vie ? Les relations des deux personnages sont-elles à l’image de ce parc ?
Ce même vers est ensuite repris au vers 5, tel une sorte de refrain qui pousse sans cesse le lecteur à se remémorer ce décor pour le moins étrange. Les personnagessont en quelque sorte prisonniers de ce parc qui les enferme dans un lieu morne, de la même manière qu’ils sont enfermés dans leur relation sans but. Cette impression de désolation est accentuée par l’utilisation de rimes plates de types AABB qui connotent la monotonie et la tristesse. De plus, les personnages n’ont pas une forte interaction sur ce parc puisqu’ils ne font qu’y « passer » (vers 2),leurs paroles ne sont qu’évocations (vers 6) et inaudibles (vers 4). C’est comme si le parc effaçait leurs traces et étouffait leurs bruits. Il s’agit en quelque sorte d’un paradis perdu pour les deux amants qui les enferme dans leur relation déjà vouée à l’échec. Cette notion d’enfermement est renforcée au vers 15. En effet, le décor du parc ouvre le poème dès le premier vers mais il en prononceégalement la fermeture aux vers 15 et 16 où l’on en apprend davantage sur ce parc, répandu « d’avoines folles » (v.15), élément qui renforce le caractère abandonné du parc, et sur le temps de l’histoire qui se déroule « la nuit » (v.16), moment qui s’apparente à la tonalité sombre du décor. Notons que la personnification de la nuit qui « entend » (v.6) tend à l’ériger en tant que seul témoin del’échange entre les deux personnages et finalement peut être aussi le seul élément vivant du poème. Tous les principes sont ainsi pervertis, au même titre que la temporalité qui manque de précision.
Un narrateur extérieur prend en charge le récit dans les trois premières strophes pour ensuite laisser la parole aux personnages dans un dialogue au discours direct et finalement réapparaitre à ladernière strophe afin de clore le poème. Ceci renforce l’impression qui émane de tout le poème d’avoir un couple qui tourne en rond et qui reste enfermé dans une relation indépassable.
Tout au long du poème se côtoient différents temps du présent et du passé. Le présent de l’indicatif est utilisé au vers 3 avec « sont » et au vers 4 avec « on entend » pour rendre plus vivant le poème, ainsique lors de l’échange de paroles (vers 7, 8, 9 et 10) afin de rythmer le dialogue. Notons également l’emploi de l’imparfait (vers 12, 13 et 15) qui sert à décrire les actions ininterrompues et révolues, ainsi que le passé simple (vers 16) qui nous indique des faits surgissant. Enfin s’ajoute le passé composé (vers 2, 6 et 14) qui donne l’impression d’un passé récent et d’un présent perpétuel….