Commentaire locke, essai philosophique concernant l’entendement humain, livre ii, chap. ix

La sensation apparaît d’emblée comme l’origine essentielle de la perception. En effet, elle peut se définir comme l’acte par lequel l’esprit se forme une représentation des objets extérieurs. Or, la sensation semble le moyen pour le sujet de saisir cette extériorité. Son corps est affecté par des données qui sont en dehors de lui, qui seront ensuite, en quelque sorte « transmises » à son espritqui pourra alors se les rendre présents à lui-même.
Pour autant, il semblerait que l’on ne peut réduire la perception à la sensation pure. Ou bien, si l’on entend la sensation comme origine de la perception, alors c’est que celle-ci comprend autre chose que la simple affection du corps ou impression. En effet, le corps peut bien être affecté à la manière de n’importe quel être matériel, sans pourautant que l’on puisse parler de « perception ». Si une partie de mon corps est très fortement engourdie par exemple, elle peut être affectée sans que je l’aperçoive. Par conséquent, si la matière brute de la sensation est indispensable pour qu’il y ait perception, celle-ci ne semble cependant pas suffisante. Devrait alors intervenir une autre faculté. Quelle est cette faculté ? En quoi laperception suppose-t-elle nécessairement l’aperception ?
Dans le chapitre IX du Livre II de l’Essai philosophique concernant l’entendement humain, Locke cherche à déterminer précisément le sens de la perception. Si celle-ci implique certes une affection du corps, on ne peut réduire son origine à cette matière brute. L’empirisme ne saurait dans cette mesure se réduire à une forme de sensualisme quiassimilerait impressions et perception. Si Locke pose qu’il ne peut y avoir jugement de perception sans la sensibilité, pour autant il n’exclut pas de celle-ci l’intervention de l’entendement, essentielle à toute acte de percevoir. Quels sont les rôles respectifs de ces deux facultés dans la perception ?
Pour y répondre, Locke procède en plusieurs moments. Dans les deux premiers paragraphes, avantd’analyser ce qu’est la perception à proprement parler, il donne d’abord une série de présupposées sur celle-ci : elle est une idée et suppose en ce sens l’esprit, mais ne saurait se confondre avec le sens que l’on attribue ordinairement au terme « pensée ». Si sa définition est possible, seul le vécu peut permettre à chacun de saisir pleinement ce qu’elle est. Dans les deux derniersparagraphes, Locke précise la nature de cette perception. Bien que compréhensible par le vécu, elle ne peut être réduite aux sensations brutes. Locke a pour objectif d’expliquer en quoi on ne peut envisager la perception sans aperception ce qui invite à montrer que les origines de la perception ne peuvent être réduites aux impressions du corps. Si ce dernier est nécessaire pour nous transmettre un contenuexogène, la perception implique également l’exercice de l’esprit.

Tout d’abord, dans les deux premiers paragraphes, Locke n’analyse pas ce qu’est la perception mais opère une distinction entre « pensée » et « perception » et mentionne la source la plus à même de nous informer sur ce qu’elle est. Tout d’abord, il affirme l’importance de la perception comme « première faculté de l’âme » qui, bienqu’impliquant le rôle de l’esprit, ne saurait y être assimilée (dans les deux premières phrases du premier paragraphe). Il précise la nature de son intervention en écartant l’assimilation entre « perception » et « pensée » au sens courant (fin du premier paragraphe). Sa signification ne peut être saisie pleinement que par expérience (deuxième paragraphe). En d’autres termes, elle est intuitiveet non déductive, bien que nécessitant l’esprit.
Au début du premier paragraphe, Locke annonce ce qu’il se propose d’expliquer tout au long du chapitre, à savoir la perception. Celle-ci est présentée comme une idée. Ce qu’il faut entendre par là, c’est qu’elle est, tout d’abord, une donnée essentielle à partir de laquelle l’esprit construit son savoir. En tant qu’idée « simple », elle est une…