Commentaire sur si tu t’imagines de queneau

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Commentaire guidé de « Si tu t’imagines », Raymond Queneau

Introduction : « Si tu t’imagines » est un poème issu du recueil intitulé L’instant fatal. Il a été écrit en 1948 par Raymond Queneau, poète et écrivain fantaisiste, créateur de l’OuLiPo. Ce texte amusant et mélancolique à la fois ressemble à une chanson par son rythme pentasyllabique,et répétitif. Il reprend des thèmes traditionnels dans l’histoire de la poésie, tels que le Carpe Diem et la fuite du temps. Nous nous demanderons en quoi son registre comique associé à un thème sombre peut conférer au poème une dimension parodique. Dans un premier temps, nous étudierons les thèmes communs avec la tradition du Carpe Diem, puis nous nous demanderons en quoi il renouvelle de façoncomique ce thème atemporel.

La tradition de Ronsard, et plus loin encore, la philosophie épicurienne d’Horace ou la pensée d’Héraclite est prolongée dans « Si tu t’imagines » à travers plusieurs aspects.
Tout d’abord, on y retrouve la thème de la fuite du temps, le fameux « pantha reï » grec dans des phrases à portée universelle, au présent gnomique : « les beaux jours s’en vont ». L’emploidu futur proche est appuyé à travers un jeu verbal qui s’appuie sur la restitution phonétique d’éléments en langage parlé : « xa va xa va xa /va durer toujours », en les répétant dans la première strophe et la deuxième jusqu’à en faire un matériau musical. L’idée de durée est d’ailleurs renforcée par le fait que le mot « va » est répété une fois de plus au vers 21, qui a ainsi un statutd’exception dans le poème : c’est le seul hexasyllabe du texte. On peut aussi considérer que l’allongement progressif des strophes exprime lui aussi le passage du temps, d’autant plus que la première (la plus courte) évoque plus la jeunesse, alors que la dernière (la plus longue) évoque la vieillesse.
Ensuite, Queneau peut nous sembler s’inscrire dans la tradition de Ronsard par la cruauté dont il faitpreuve à l’égard de sa muse, la « fillette » à laquelle il s’adresse en la tutoyant familièrement. Comme le poème « Quand vous serez bien vieille », celui-ci repose sur l’anticipation du vieillissement de la jeune femme. Le terme « fillette » insiste sur sa jeunesse. La seconde strophe contient un éloge, sous la forme d’une énumération de ses attraits : on note des termes valorisants dans chaqueexpression : « mignons », « légers », et des métaphores mélioratives (« de rose »/ »de guêpe »/ « d’émail »/ »de nymphe »). On peut y voir une antithèse avec l’énumération péjorative de la troisième strophe : les parties du corps-moins nobles- sont cette fois associées à des termes dévalorisants (« ride véloce »/ »pesante graisse »/ »menton triplé »/ »muscle avachi ») qui traduisent la déformation ducorps due à l’âge. On peut penser à Ronsard, quand il évoque Hélène à travers l’expression « vieille accroupie »…
Enfin, la tradition de Ronsard est particulièrement reconnaissable dans ce poème, à travers des citations directes de celui-ci : « allons cueille cueille/les roses les roses/roses de la vie » renvoie à « Cueillez, cueillez votre jeunesse » qui se trouve dans le célèbre poème deRonsard « Mignonne, allons voir si la rose… », puisqu’on y retrouve même la répétition du verbe cueillir à l’impératif. De même dans « Quand vous serez bien vieille », on trouve la formule très proche : « Cueillez dés aujourd’huy les roses de la vie. » C’est une traduction de la métaphore du poète latin Horace « carpe diem », qui signifie « Cueille le jour », elle-même reprenant les principes desphilosophes épicuriens, préconisant le fait de profiter de l’instant présent. Les roses, qui sont un motif essentiel de la poésie de Ronsard apparaissent plusieurs fois dans « Si tu t’imagines » ; dans la deuxième strophe il est question de « ton teint de rose » qui peut évoquer assez directement « Mignonne, allons voir … », où on trouve le vers « Et son teint au votre pareil », se référant à la…