Cour de cassation, chambre commerciale, 14 mai 1996

Document 7 – Chambre Commerciale, 14 mai 1996

Poétiquement, la novation pourrait être comparée à une réincarnation, une nouvelle obligation qui naît du fait de la mort simultanée d’une obligation ancienne. Il est cependant plus rare de rencontrer une réincarnation annulée qu’une novation annulée, et c’est pourquoi la résurrection a plus souvent lieu dans le monde des obligations que dans lemonde des êtres vivants.

Une société portait un effet de commerce constatant la créance qu’elle avait sur deux époux.
En 1989, ces derniers signent, par acte authentique, une reconnaissance de dette annulée en 1991 par un arrêt d’appel, au motif qu’une violence contre eux avait été exercée par la société, viciant leur consentement.

La société assigne donc les époux en paiement de la sommereprésentant le montant de la somme d’effets de commerce. Sa demande est rejetée par la cour d’appel de Rouen. Celle-ci admet en effet que l’extinction de l’obligation ancienne ayant pour cause par la création de la nouvelle, aurait du être considérée comme n’ayant jamais été éteinte du fait de l’annulation de cette dernière. Néanmoins, la Cour ajoute que le fait que la société savait quel’obligation nouvelle était annulable en raison de son propre fait, c’est-à-dire de la violence causée par elle, empêche que l’annulation entraîne la renaissance de l’obligation ancienne.

La société forme donc un pourvoi. L’annulation de l’obligation novée, entraîne t-elle la renaissance de l’obligation initiale lorsque la nullité est imputable au créancier?

La Cour de Cassation, dans un arrêt du 14novembre 1996, répond par la positive, et casse l’arrêt de la cour d’appel. Visant l’article 1271 du Code civil, elle affirme que si la novation, n’ayant lieu que lorsque l’obligation novée est valable, est annulée, la première obligation retrouve son efficacité, « même lorsque le créancier savait que l’obligation nouvelle est annulable de son propre fait. » En affirmant le contraire, la courd’appel aurait violé l’article 1271 du Code Civil.

Cette solution permet ainsi à la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation de réaffirmer le principe de la survie de l’obligation initiale en cas d’annulation de la novation (I.) mais surtout d’étendre cette solution au cas où l’annulation serait imputable au créancier (II.)

LA SURVIE DE L’OBLIGATION INITIALE EN CAS D’ANNULATION DEL’OBLIGATION NOUVELLE

La novation nécessite en effet que l’obligation novée soit valable, sous peine de nullité (A.). Cette nullité entraîne logiquement la survie de l’obligation initiale (B.)

A. La nécessité d’une obligation novée valable

En effet en principe, pour qu’il y ait novation, il faut nécessairement que la nouvelle obligation soit valable. Cette condition obligatoire, rappelée parla Cour de Cassation dans l’arrêt, découle de l’article 1271 du Code civil, visée par la Haute Juridiction, et de la définition même de la novation.
La novation peut être définie comme l’opération juridique par laquelle les parties décident de substituer une obligation nouvelle à une obligation préexistante, corrélativement éteinte. L’objectif des parties est donc de créer une nouvelleobligation.
En l’espèce il s’agissait de la substitution de la reconnaissance de dette, à la dette résultant de l’effet de commerce. Par l’acte authentique de 1989, les époux et la société voulurent éteindre la seconde obligation, par la création de l’obligation résultant de la reconnaissance de dette.

Selon l’article 1271 du Code Civile, il s’agit ainsi d’une novation par changement del’obligation; le débiteur et le créancier ne changeant point. De même, l’objet de l’obligation de change pas, pas plus que les modalités de l’obligation, c’est toujours une somme d’argent qui doit être payée par les époux à la société, et le changement du montant de la dette ne constitue pas un changement constitutif de novation (Cour de Cassation, 1967). Cependant l’obligation fondée sur un effet de…