De la présence de dieu

De la présence de Dieu

par le père Emmanuel, du Mesnil-Saint-Loup

Ambula coram me et esto perfectus
Marche en ma présence et sois parfait (Gen 17/1)

Memor fui Dei et delectatus sum
Je me suis souvenu de Dieu et j’ai été réjoui (Ps 76/4)

Un mot de Préface

Nous sommes heureux d’offrir aux personnes pieuses ce lumineux et savoureux traité De la présence de Dieu, écrit parle père Emmanuel dans les circonstances que nous allons dire.
Il s’était rendu en Italie pour sceller son agrégation à la branche olivétaine de l’Ordre de saint Benoît. C’était en mai 1886.
Le père abbé du monastère où il habitait dans les environs de Florence lui demanda quelques pages de pieuses méditations sur le saint et si essentiel exercice de la présence de Dieu.
Le père Emmanuel serecueillit, pria, rassembla les idées qui lui étaient familières ; puis, tout d’un trait, de sa belle et ferme écriture, il écrivit le traité qu’on va lire. Il coula de sa plume comme un fleuve d’eau vive. Il n’y a pas plus de dix ratures ou surcharges dans le manuscrit.
Nous voyons encore la cellule modeste qu’il occupait, à un angle du bâtiment du noviciat. De la fenêtre on découvrait un horizonvraiment merveilleux : c’était une vaste plaine plantée de vignes et d’oliviers, de figuiers et d’orangers, cerclée de belles collines, au milieu de laquelle s’étalait Florence, la blanche cité de la poésie et des arts. Florence avec son dôme colossal, avec le beffroi superbe du Palazzo Vecchio, avec le gracieux campanile de Giotto… Ce spectacle était enchanteur au premier chef. Mais un autrespectacle ravissait intérieurement l’âme du père et lui faisait oublier celui-là. Des yeux illuminés de son cœur, il contemplait Dieu, il suivait avec un sentiment de profonde adoration les actes de la vie divine, il se voyait lui-même perdu dans la divine présence comme le grain de poussière dans un rayon de soleil.
Nous ne relèverons point, par de vaines louanges, la haute spiritualité contenue ences pages sous une forme si brève. Nous nous contenterons d’une observation. Le père Emmanuel ne considère pas Dieu seulement comme présent partout, mais comme agissant partout ; il nous fait adorer, dans la présence de Dieu, les actes, soit immanents de la vie divine, à savoir la génération du Verbe et la procession du Saint-Esprit, soit extérieurs à Dieu tout en venant de Dieu, tels que legouvernement du monde et les rétributions finales. C’est là, si nous ne nous trompons, le caractère original de son traité.
Écrit pour des moines, il contient des allusions monastiques ; mais il n’y a rien au fond de ces méditations qui ne soit applicable à toute âme chrétienne. L’Imitation de Jésus-Christ a été, elle aussi, composée par un moine et pour des moines ; et tout chrétien en fait sonprofit. La vie religieuse et la vie chrétienne ne sont pas deux vies, mais une seule et même vie, fondée sur l’Évangile ; car l’une et l’autre tendent par des moyens similaires à la perfection de la charité.
Dom Bernard Maréchaux O.S.B.

Introduction

Notre bienheureux père saint Benoît, que tant de fois l’on a comparé au patriarche Abraham, comme lui marcha devant Dieu et fut parfait. Ambulacoram me, et esto perfectus (Gn 18/1).
Aussi, connaissant tous les avantages de l’exercice de la sainte présence de Dieu, il nous le recommande avec insistance dans la Sainte Règle, non seulement comme un moyen très puissant de sanctification, mais comme un devoir nécessaire basé sur la vérité de la présence de Dieu, et en même temps sur l’obligation où nous sommes de rendre à notre Créateurl’hommage de notre attention.
Au chapitre IV de la Règle, Des instruments des bonnes œuvres, il nous dit que : « Il faut savoir et tenir pour certain que Dieu nous regarde en tout lieu. » Au chapitre VII, De l’humilité, il nous écrit ces solennels avertissements : « Que l’homme sache que toujours il est vu par Dieu du haut du ciel, que ses actions en tout lieu sont exposées aux regards de la…