De regno, thomas d’aquin

Quelle vertu la réalisation du bien commun appelle-t-elle ? Machiavel considère que pour bien diriger il faut faire preuve de sagacité, de ruse et même parfois de cruauté, savoir entrer dans la voie du mal sans s’écarter de celle du bien : c’est la virtu. Dans ce texte il semble tout au contraire que pour Saint Thomas d’Aquin la vertu politique doive non seulement demeurer morale mais doivel’être éminemment pour ne point se perde avec le pouvoir.

La thèse de l’auteur dans ce texte extrait du De Regno est au sujet de la capacité à gouverner un pays. Il n’est pas concevable qu’on puisse diriger un pays si l’on ne sait pas se gouverner soi-même. Comment être juste pour tous si l’on ne l’est pas déjà pour soi-même ? Comment comprendre les besoins de ceux qui nous sont à charge si l’onignore ses propres besoins et aspirations ? Les attentes de chacun se comprennent en terme de sécurité, de prospérité et de justice et forment ce qu’on appelle le bien commun d’une communauté politique qui est l’ensemble des conditions sociales qui permettent, tant aux groupes qu’à chacun de leurs membres de s’accomplir d’une façon plus parfaite et plus aisée. La réalisation de notre propre bienappelle pourtant une vertu qui diffère autant de l’habileté technique des arts (comme l’architecture) ou des pouvoirs (comme l’art stratégique de guerre) qu’elle semble différer des compétences du professeur dans ce domaine que l’auteur désigne être celui des sciences spéculatives. L’homme est en effet appelé à unifier sa personnalité morale et la vertu qu’il doit acquérir a bien en ce sens uncaractère moral que n’ont pas d’abord l’habileté technique de l’artisan et de l’architecte, celle du chef des armées et du soldat, ainsi que les qualités de l’enseignant et de ses élèves. Toutefois l’éducation qui est le bien commun d’une famille ne consiste pas seulement à permettre à l’enfant d’acquérir des connaissances et des possibilités mais de lui permettre d’atteindre son propre bien parlui-même en apprenant progressivement par lui-même à le connaître. En ce sens le caractère intellectuel de l’éducation ne saurait être dissocié du caractère moral de l’instruction. C’est à ce modèle de culture générale issu de l’antiquité qu’il faut se rapporter pour comprendre avec Cicéron que notre âme demeure sans fruit aussi féconde soit-elle si on ne la cultive pas. Aussi le travail du professeur nese réduit-il pas à être la transmission des connaissances mais à leur juste assimilation par chacun, et pour cette raison est-il à la fois instructif et éducatif. De même les qualités d’un général des armées relèvent-elles également de la prudence, pas seulement de l’art stratégique, et celles du soldat du courage, pas seulement du savoir-faire. Le sens des analogies dont l’auteur fait usage estdonc clair : il ne saurait être question de confondre la vertu d’un père de famille ou d’un chef d’Etat avec les qualités acquises d’un enseignant d’un capitaine ou d’un architecte qui ne sont pas d’abord des vertus, mais il s’agit de saisir un rapport de similitude entre toutes pour comprendre que la vertu d’un responsable de communauté ne saurait être politique sans être morale alors que lavertu peut être morale sans être politique lorsqu’on n’a pas à sa charge une communauté. Ainsi la supériorité morale de la vertu politique ne s’explique-t-elle qu’en raison de la difficulté à atteindre ensemble le bien commun, par analogie avec la victoire pour un chef d’armée et ses soldats, avec la vérité pour un enseignant et ses élèves et un ouvrage pour un maître d’œuvre et ses ouvriers. Cebien commun requiert en effet la capacité de réaliser le bien de tous comme si c’était le sien.

On comprend du même coup que la responsabilité qui incombe avant tout au chef d’Etat et secondairement à tous ceux qui collaborent au niveau qui est le leur, soit une occasion de chute si la vertu morale n’est pas aussi grande qu’elle devrait l’être ou même si elle n’existe qu’en apparence. Le…