Devenir beau
Dystopie et conservatisme
D’autres critiques envisagent la dystopie comme un genre essentiellement conservateur et réactionnaire, œuvrant à l’encontre des forces du progrès social. En effet, ens’opposant à des courants idéologiques en plein essor au moment de sa rédaction, la dystopie défend de fait le statu quo et valorise implicitement le présent, fût-il critiquable, au détriment desprojets progressistes.
Cet avis est celui de Régis Messac qui, pendant l’hiver 1936-37, publie La Négation du progrès dans la littérature moderne ou Les Antiutopies. La thèse qu’il y expose est celled’une continuité entre les critiques du socialisme et de l’utopie du XIXe siècle6 et les prémices de la dystopie telles qu’il les observe dans le premier tiers du XXe siècle7.
À une époque pluscontemporaine, ce type de critique a été produit à l’encontre de 1984 de Georges Orwell. Ainsi la critique Nadia Khouri estime-t-elle qu’Orwell se situe pleinement dans la tradition de la dystopie qui estpar nature « nihiliste et réactionnaire » : « À l’instar des autres anti-utopies, 1984 organise toute sa rhétorique pour s’en prendre aux forces historiques montantes qui menacent de détruire lesstructures et les principes traditionnels ». Selon elle, en dépit de l’adhésion proclamée d’Orwell au socialisme, 1984 ne correspond en aucune manière à « une conception véritablement progressiste ousocialiste8 »
Au XIXe siècle, l’utopie prend une tournure plus pratique. Les utopistes ne sont plus simplement des théoriciens mais des militants. On parle alors de socialisme utopique pour qualifierles œuvres d’auteurs tels que Saint-Simon, Robert Owen ou Charles Fourier. Des créations de micro-sociétés utopiques sont tentées comme la secte des Shakers aux États-Unis ou le Familistère deJean-Baptiste André Godin, d’inspiration fouriériste. Ces expériences n’ont connu qu’un succès limité.
Au XXe siècle, des régimes se réclamant du socialisme, du communisme et du marxisme s’établissent…