Droit civil

IL Y A DEUX CENTS ANS, LE CODE CIVIL
par SYLVIE HUMBERT Maître de conférences en histoire du droit à la Faculté Libre de Droit de l’Université Catholique de Lille

Rappelons d’abord, comme le fait Robert Badinter dans son ouvrage « Le plus grand bien… » (Fayard, 2004), l’origine du mot code. « Codex » en latin est un livre composé de feuilles de parchemin ou de tablettes écrites et reliéesensemble. Il devint très rapidement d’un usage très pratique pour les fonctionnaires et magistrats romains chargés de faire appliquer les lois des Empereurs (Code Théodosien en 438 et surtout, le Code Justinien en 534 véritable compilation des constitutions impériales du II e au V e siècles). Le code est alors devenu synonyme d’un ensemble de lois savamment ordonnées. La Révolution est connue pourses références constantes à l’Antiquité et à Rome. Or, il semble très vite évident à la fin du XVIII e siècle que les textes coutumiers, trop nombreux, devenus archaïques pour certains, manquent d’unité. Il est donc apparu nécessaire des les remplacer par un ensemble cohérent de préceptes réunis en un Code unique. L’époque des Lumières se caractérise également par une volonté de codification : lesdespotes éclairés se veulent codificateurs. Le premier Code apparaît en Bavière en 1756, suivi par celui de Frédéric II en Prusse et de Joseph II en Autriche. Catherine II, également, se fait conseiller dans ses projets législatifs par Diderot . Chez les philosophes des Lumières, Rousseau, en 1772 dans « ses considérations sur le gouvernement de Pologne », se montre très favorable à unecodification : « Il faut trois Codes : l’un politique, l’autre civil et l’autre criminel. Tous trois clairs, courts et précis autant qu’il sera possible. Et l’on n’aura pas besoin d’autres corps de droit ». (cité par Robert Badinter, p.19). Peu d’auteurs de cette époque se sont exprimés avec autant de fermeté sur la nécessité d’un Code. Voltaire n’en parle pas, Montesquieu y est plutôt hostile : « Faire unecoutume générale de touts les coutumes particulières serait une chose inconsidérée » (Esprit des lois, livre XXVIII, ch. 37). A cela s’ajoutent de nombreuses résistances politiques. L’Eglise craint la sécularisation d’un certain nombre d’institutions, comme l’état civil, alors sous son autorité. Les parlementaires sont opposés à une unification du droit qui porterait atteinte à leur pouvoird’appréciation des droits particuliers des provinces. Quant aux cahiers de doléances de 1789, rédigés le plus souvent par des hommes

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de loi, ils réclament très largement une réforme approfondie de la législation pénale et de l’organisation de la justice dans l’ensemble du royaume ; mais rares sont ceux qui demandent une unification du droit civil. Toutefois, la Révolution nepouvait s’accommoder de législations diverses. Comment, en effet, concevoir une Nation composée de citoyens égaux en droit mais vivants sous l’empire de lois différentes, s’appliquant sur des fractions du territoire national ? L’unification de la loi conduisait naturellement à la codification. Celle-ci intervint dans un contexte particulier. Présentant au peuple la nouvelle Constitution de l’anVIII, Bonaparte, Premier Consul précisa sa pensée : « Citoyens, la Révolution est fixée aux principes qui l’ont commencée, elle est finie ». Elle avait détruit beaucoup de choses au nom d’idéaux bien précis, il fallait désormais reconstruire, stabiliser, réordonner : mais sur quelles bases et sur quels principes ? La légende nous confirme qu’une poignée d’hommes a réalisé en très peu de tempsl’unification des règles de droit les plus communément acceptées (I) et que leur travail fut le reflet du modèle politique instauré lui aussi pour stabiliser la vie en société (II), ce que la Révolution n’avait pas réussi à faire. I – Quelle codification et pour quel droit ? Dès sa prise de pouvoir, Bonaparte a considéré qu’une Constitution politique de la France devait s’accompagner d’une…