Erasme et l’espagne de marcel bataillon

Marcel BATAILLON
Érasme et l’Espagne. Recherches sur l’histoire spirituelle du xvie siècle, Genève, 1998, 1 vol., 903 p.
Cote M 8= 14499 (BU)

Marcel Bataillon (1895-1977) est un hispaniste français spécialiste des questions de spiritualité dans l’Espagne du xvie siècle. En 1945 il entre au Collège de France, où il occupe vingt ans durant la chaire de langues et littératures de la péninsuleibérique et d’Amérique latine. Il a également écrit :
-Juan de Valdés, Diálogo de doctrina cristiana, 1925
-Études sur le Portugal au temps de l’humanisme, 1952 (réédition augmentée 1974)
-El hispanismo y los problemas de la historia de la espiritualidad española, 1977

1) Fond :
– La thèse de Marcel Bataillon consiste à avancer qu’il n’y a pas eu une introduction massivede l’érasmisme et de sa philosophie en Espagne. Le début du xvie siècle a néanmoins été propice à favoriser l’introduction des idées érasmiennes sur un concept de la chrétienté fondé sur la vie intérieure et la lecture scholastique des Écritures plus que sur les performances des cérémonies. De 1527 aux dernières années du règne de Charles Quint, les écrits d’Érasme ont jouit dans certains milieuxd’une popularité méconnaissable dans d’autres pays : « L’érasmisme a été un profond mouvement culturel, dont les conséquences s’étendent loin. Il a été à la fois illumination et progrès des lumières. Il a remué en Espagne ce qu’elle a de plus intime et d’universel. Il a enrichi son patrimoine de façon impérissable »
– L’intérêt de l’œuvre de Marcel Bataillon est sans conteste l’étude du groupe des« alumbrados », ces « illuminés » qui répondent avec enthousiastes aux écrits d’Érasme, en particulier l’Enchiridion dont l’auteur nous brosse un bon tableau de sa réception en Espagne. L’influence d’Érasme s’est essentiellement effectuée au travers de la littérature et par un certain nombre de personnages –tel Juan de Valdès – qui sont des proches de Charles Quint. La disparition des éramistes dansl’entourage impérial traduit le début de la persécution des illuminés ou éramistes, qui sont confondus avec des protestants au lendemain de la Réforme. Après le Concile de Trente, l’illuminisme érasmien tombe dans la clandestinité et son idéologie est déguisée.

2) Critique(s) :
– Augustin Redondo[1] a introduit de nouvelles variations à la thèse de Marcel Bataillon. Selon lui, il y aurait unecertaine confusion entre idées érasmiennes et luthériennes au début du xvie siècle en Espagne et les « illuminés » espagnols auraient été inspirés par les idées de Luther. L’inquisition a d’ailleurs eu une action plus ciblée et acharnée contre les Luthériens, notamment en raison de l’existence d’un réseau de diffusion des livres luthériens plus développé. Les « souffles luthériens » sont selon luivisibles dans les années 1520-1536.
– La principale critique adressée à cet ouvrage est résumée par une formule de Jean-Pierre DEDIEU[2] : « L’auteur nous semble aller un peu loin dans une thèse fondamentalement juste ». Si Marcel Bataillon pousse un peu loin les limites de son champ d’étude, nous pensons que cette étude pionnière est à consulter impérativement pour tout travail sur l’Espagne.- « Every student of European culture and religion during the crisis of the xvie century will find in it matter of copious instruction […]and build upon M. Bataillon’s solid and brilliant study is a safe prediction. »[3].

3) Forme :
– La table des matières donne un certain aperçu des idées développées par Bataillon dans son ouvrage. Relativement brève, elle est quelque peu inadéquate pour larecherche d’information.
– L’index, assez complet, permet en revanche la recherche d’entrées plus précises.
– L’ouvrage ne comporte pas d’introduction. Il convient par conséquent de se référer à la conclusion de quatre pages même si elle ne met malheureusement pas assez en avant les thèses importantes de Bataillon. Les principales idées phares développées se trouvent disséminées dans les…