Explication de texte propos sur les pouvoirs de l’homme devant l’apparence

« Penser, c’est dire non. Remarquez que le signe du oui est d’un homme qui s’endort ; au contraire le réveil secoue la tête et dit non. Non à quoi ? Au monde, au tyran, au prêcheur ? Ce n’est que l’apparence. En tous ces cas-là c’est à elle-même que la pensée dit non. Elle rompt l’heureux acquiescement. Elle se sépare d’elle-même. Elle combat contre elle-même. Il n’y a pas au monde d’autrecombat. Ce qui fait que le monde me trompe par ses perspectives, ses brouillards, ses chocs détournés, c’est que je consens, c’est que je ne cherche pas autre chose. Et ce qui fait que le tyran est maître de moi, c’est que je respecte au lieu d’examiner. Même une doctrine vraie, elle tombe au faux par cette somnolence. C’est par croire que les hommes sont esclaves. Réfléchir, c’est nier ce que l’oncroit.

Qui croit seulement ne sait même plus ce qu’il croit. Qui se contente de sa pensée ne pense plus rien. Je le dis aussi bien pour les choses qui nous entourent. Qu’est-ce que je vois en ouvrant les yeux ? Qu’est-ce que je verrais si je devais tout croire ? En vérité, une sorte de bariolage et comme une tapisserie incompréhensible. Mais c’est en m’interrogeant sur chaque chose que je la vois.(…) » Alain, « Le libre jugement » dans Propos sur les pouvoirs.

Ci-dessous un exemple de commentaire de texte entièrement rédigé.

Introduction :
Au quotidien, lorsqu’un peu machinalement nous disons « je pense que », cette expression peut annoncer une opinion immédiate irréfléchie autant qu’un véritable jugement. Or, qu’est-ce qui distingue l’une de l’autre ? Sommes-nous capables dedifférencier la simple croyance immédiate d’une idée vraiment réfléchie ? Sommes-nous toujours bien conscients de notre façon de penser ? Et commes-nous attentifs au contenu de notre pensée lorsque nous disons « je pense que » ? Certes, chacun d’entre nous pense… Mais il existe plusieurs façons de penser. Comme le dit Descartes au début du Discours de la méthode : tous les hommes sont doués de raisonmais tous n’en font pas le même usage…

Face à ce problème concernant l’usage de notre pensée, nous pouvons nous demander avec Alain, dans ce texte extrait de Propos sur les Pouvoirs : Qu’est-ce que penser véritablement ? La thèse de l’auteur est étonnante : « penser c’est dire non » (ou encore : « réfléchir c’est nier ce que l’on croit »). La clarté apparente de cette thèse ne doit pas noustromper : s’agit-il pour lui d’affirmer que la pensée est un acte de rupture et d’opposition, une fermeture à rapprocher de ce qu’on appelle « l’esprit de contradiction » ou bien s’agit-il pour lui de montrer que la pensée véritable est une forme d’attention, d’esprit d’examen, d’esprit critique et auto-critique, relevant d’une libre exigence et d’une responsabilité qui nous engage vers un jugementauthentique ?Pour élucider ces questions concernant l’usage de notre pensée et mieux comprendre la thèse de l’auteur nous procèderons à l’étude suivi de son raisonnement.

facultatif : [Dans le premier moment du texte (jusqu’à « combat ») Alain expose sa thèse : la pensée est négation. Dans un 2° tps (jusqu’à « ce que l’on croit ») il explique que le manque d’esprit d’examen rend les hommesesclaves de leurs croyances et que nous sommes responsables de cela. Et dans un 3° tps Alain conclut en montrant que « voir » et « croire » ne sont pas « savoir », et que seule l’interrogation permet de « voir » au sens de « concevoir » clairement ce que l’on pense.]

(1° tps – Penser c’est dire non : mais à quoi et à qui ?)

Lorsque Alain affirme au début de ce texte que « penser c’est dire non »,il y a, derrière la clarté apparente de cette thèse, l’idée étonnante que la pensée est expression, décision, donc acte, et pas seulement attitude plus ou moins passive de contemplation des essences telle que Platon la définissait. La pensée, pour Alain, serait acte de refus, protestation et éveil de l’esprit. Pour expliciter cette idée l’auteur utilise une métaphore au sujet du geste physique…