Explication un jour mon beau soleil
Au XVIème siècle, l’Europe connaît une période d’expansion importante, tant que le plan géographique (découverte de l’Amérique en 1492), scientifique et même artistique, la multiplication des échanges de toute sorte amenant une diffusion de l’art de la Renaissance. Ainsi, d’Italie, lieu d’ébullition artistique de cette période, les écrivains français vont ramener de nombreuses idées. Parmicelles-ci, le sonnet Italien, une forme de poème court de 14 vers, notamment utilisé par Pétrarque, va être repris par l’ensemble du mouvement de renouveau de la langue française qu’est la Pléiade. Le sonnet français, s’inspirant du modèle Italien, se divise en deux quatrains suivi de deux tercets. Il est le plus souvent composé d’alexandrins, c’est-à-dire de vers de 12 syllabes (suivant les règles dela versification française). Le sonnet est donc une forme fixe et figée, qui impose ses règles. Abraham de Vermeil participe de ce mouvement de la Pléiade, et c’est naturellement qu’il adopte la forme du sonnet pour écrire sa poésie. Le poème que nous allons ici étudier est un sonnet. Le soleil y est omniprésent, et très rapidement se détachent et se mêlent la figure d’une femme blonde et du soleillui même. La question sera donc la suivante : Comment, à l’intérieur d’une forme fixe et codifiée, le poète parvient-il à brasser différentes images, à les combiner et à finalement créer un mouvement ?
Le premier quatrain fonctionne comme une mise en situation : la description d’une scène très précise va avoir lieu ainsi que la mise en place des effets qui vont structurés tout le poème. Lepremier vers est tout d’abord la création d’un temps nécessaire à l’action. Ce temps est ici indéfini : « Un jour ». Cela permet néanmoins le cadre d’une action, qui va être rapportée par l’imparfait de description « mirait », verbe qui revient au même temps deux vers plus tard et qui crée donc le temps d’une action ici décrite. Aussi le premier vers introduit le sujet du poème avec le mot « Soleil »mis en avant graphiquement par la majuscule, mais aussi rythmiquement parce qu’il est placé juste avant la césure, ce qui signifie qu’un silence doit être respecté juste après ce mot. En ne prenant en compte que le premier vers, le lecteur peut se trouver face à un dilemme : « mon beau soleil mirait sa tresse blonde » constitue-t-il une personnification du Soleil, c’est-à-dire de l’astre, dont onpourrait imaginer que la tresse soit une métaphore pour désigner ses rayons, ou au contraire la formule « mon beau soleil » est-elle une périphrase pour désigner une femme à la chevelure blonde? Cette ambiguïté relatif au premier vers va justement fonder tout le poème.
Ainsi le second vers vient à la fois compléter et expliquer le premier. Il le complète puisqu’il est sa suite syntaxique, lepremier hémistiche « Aux rais du Grand soleil » fonctionnant ici comme un complément circonstanciel de manière du verbe « mirait ». Néanmoins s’il y a continuité syntaxique, il semble aussi que l’ambiguïté du premier vers soit levée avec la répétition du mot « Soleil » mais cette fois-ci désignant une autre entité. En deux vers, le substantif « Soleil » est utilisé deux fois à la même place dans levers, mais ces deux référence ne renvoie pas au même sujet. Ceci est remarquable lors de la comparaison du premier hémistiche de chacun des deux vers. En effet il apparaît dans un premier temps qu’il y a une ressemblance dans les structures (quatre monosyllabique puis « Soleil ») mais à y regarder de plus près, il n’existe aucun lien entre ces deux hémistiches sinon Soleil : aucun effet phonique,aucun rappel sémantique. Et même, les mots sont mis en opposition: ainsi l’adjectif possessif « mon », qui renvoie à une entité connue et définie, est remplacé dans le second vers par l’article indéfini « du », fonctionnant comme une dépersonnalisation du soleil ; enfin, l’épithète « beau », qui semble être une caractérisation subjective, est secondé par l’adjectif « grand », qui renferme plus…