Faut-il renoncer à ses désir pour vivre heureux?
Dissertation philosophique :
pour être heureux, faut-il renoncer au désir ?
En quoi l’arrêt du désir pourrait-il contribuer à notre bonheur ? Si l’on considère le désir comme manque, c’est-à-dire comme la quête insatiable de ce que nous n’avons pas, il semble certain que nous sommes condamnés à rester insatisfaits ; d’une manière générale, on pourrait dire que si nous désirons être heureux,c’est que nous ne le sommes pas effectivement. Le désir serait donc ce qui éloigne du bonheur considéré comme un état de repos et de satisfaction. Cependant, cette conception nous invite à penser que l’homme peut renoncer au désir, qu’il peut refuser sa condition d’être désirant. Il faut donc que nous nous demandions si cela est possible et si, le cas échéant, le bonheur est compatible avec nosdésirs eux-mêmes.
I – Aristote et le bonheur comme achèvement
Dans son Éthique à Nicomaque, Aristote remarque que toutes les activités humaines tendent vers une fin ; ainsi, la stratégie consiste à remporter des victoires, la médecine à procurer la santé, etc. Dès lors, aucune activité ne vaut en soi, mais uniquement comme moyen pour atteindre une fin ou un but. Cependant, Aristoteremarque que toutes les activités humaines restent ultimement ordonnées à une fin suprême : le bonheur.
De ce fait, le bonheur est défini comme une activité qui n’est pas un moyen pour autre chose, mais est une fin en soi. On est heureux, en somme, pour être heureux, alors qu’on a recours à la médecine pour se soigner. Le bonheur est donc caractérisé par son autonomie, son autarcie et son achèvement.Être heureux, c’est se suffire à soi-même et n’avoir besoin de rien.
Or, définir ainsi le bonheur par son achèvement – il ne lui manque rien – c’est marquer la distance qui le sépare du désir, qui est par essence manque et inachèvement. Aristote n’est pas dupe, qui nous dit que le bonheur est un état presque divin : alors que l’homme désire sans cesse, parce qu’il est fini et imparfait, Dieu estheureux car infini et parfait. L’homme doit donc, selon Aristote, tendre à la divinité ; il doit chercher à s’immortaliser pour atteindre le bonheur achevé que connaît Dieu.
Ainsi, le bonheur est désirable en soi et non pour autre chose ; une fois atteint, on en jouit sans désirer autre chose au-delà. En ce sens, la définition même du bonheur est celle d’une absence de désir. C’est en ce sens que vaSchopenhauer lorsqu’il prône une morale ascétique. Qu’en est-il ?
II – Schopenhauer et la morale ascétique
Selon Schopenhauer, le monde dans son ensemble est soumis à une pulsion unique. Cette pulsion, Schopenhauer l’appelle volonté, mais elle ressemble étrangement à la vie elle-même. En effet, ses caractères principaux sont d’ordre sexuel, c’est-à-dire qu’il renvoie à la perpétuation del’espèce et à la conservation de l’individu. Le pas que je fais en arrière lorsqu’une voiture arrive droit sur moi ou bien le désir sexuel que j’éprouve sont des manifestations de cette pulsion, que l’on retrouve également chez les animaux ou les végétaux.
Ainsi, l’ensemble des êtres est soumis à un désir fondamental, qui commande notre vie en son entier. En effet, nous dit Schopenhauer, dèsqu’il est soumis au désir, l’individu cherche par tous les moyens à le satisfaire ; il s’occupe donc à combler le manque qui l’habite et ne il songe qu’à cela. Mais, une fois le désir satisfait, l’individu n’éprouve plus rien que de l’ennui, jusqu’à ce que le désir vienne de nouveau l’exciter. Dès lors, la vie est perçue comme oscillant entre le désir et l’ennui, l’un menant à l’autre,inlassablement.
Or, cet état de chose est proprement désolant pour Schopenhauer. Il faut donc que nous tentions de nous délivrer de la pulsion qui nous hante. Deux remèdes se présentent ; d’une part, la contemplation esthétique : les œuvres d’art nous permettent alors de considérer les choses, non plus comme objets de nos désirs, mais en elles-mêmes ; d’autre part, la morale ascétique, qui consiste à…