Grand meaulnes

Grand Meaulnes – Un roman d’adolescence
En effet l’accession au principe de réalité semble bien être l’enjeu du roman. Tous les personnages sont pris dans leur maturation. Le récit se situe au passage entre l’enfance et l’adolescence, puis entre l’adolescence et le monde adulte. Le génie d’Henri Alain-Fournier est justement d’avoir télescopé ces diverses époques et d’avoir accéléré l’expériencede la vie chez ses personnages. Il s’est projeté dans une triade adolescente : en Frantz21 le romantique fantasque qui se range, en Augustin, l’éternel adolescent et surtout en François, le nostalgique de l’enfance.
Au commencement du roman, François a quinze ans, Augustin dix-sept. Augustin est un maraudeur attiré par les grands espaces de l’extérieur, un rebelle, un taciturne. La tête ailleurs,il attire François, c’est un grand frère initiateur. Son arrivée est significative : le personnage est présenté en action dès le début. Il se montre entreprenant, part tout de suite en exploration pour découvrir les ressources de son nouveau lieu de vie. Le feu d’artifice du commencement est le signe symbolique de l’entrée dans une vie extraordinaire, d’une vie qui se brûle dans des éclatsfugitifs et merveilleux loin des banalités d’un présent austère mais rassurant. Augustin est actif alors que François subit plus son existence. C’est un meneur que tous admirent d’où son surnom de « grand ».
Augustin est clairement un adolescent : dès le début, il manifeste son refus de la loi des adultes en prenant l’initiative en cachette d’aller chercher à la gare les grands parents de François. Auretour de son escapade, il se montre agressif, il défie M. Seurel comme les « grands élèves indisciplinés ». Sa révolte, puis les bagarres qui suivent avec Jasmin Delouche et Martin montrent bien qu’il a décidé de couper avec le monde encadré de l’enfance représenté par l’école. Augustin est celui qui va seul son chemin.
François, à l’opposé, est un enfant sage, timoré, soumis à ses parents. Ilredoute son père et adore sa mère. Sa coxalgie est sans doute la source de son caractère craintif et rangé.
Meaulnes est pour lui le héros, celui qui le précède en cette voie dangereuse et attirante. « Je me rappelle combien je le trouvai beau, à cet instant, le grand compagnon, […] » Meaulnes a la beauté de celui qui est allé dans les terres interdites du dehors, qui a subi avec succès l’épreuveinitiatique.
Les traits physiques des deux adolescents sont peu décrits : Augustin est défini à plusieurs reprises par « sa rude tête rasée de paysan ». À son retour, Meaulnes offre un « visage si jeune, si vaillant et si durci déjà ». Alain-Fournier insiste donc sur la force intérieure de son personnage en même temps que cette alliance étroite de la grâce enfantine et de la rudesse adulte.
Cequi caractérise d’abord Meaulnes est son entêtement et son orgueil. Lorsqu’il s’égare, il n’envisage pas un seul instant de rebrousser chemin même quand il se rend compte qu’il aggrave sa situation. « Meaulnes songea soudain, avec un serrement de cœur, à la salle à manger de Sainte-Agathe, où nous devions, à cette heure, être tous réunis. Puis la colère le prit ; puis l’orgueil et la joie profondede s’être ainsi évadé, sans avoir voulu… » Au fond de lui, il existe un orgueil qui l’aveugle : il ne demandera pas d’aide et se replie sur lui-même. Voilà le premier aspect rebutant du personnage : Meaulnes n’a confiance qu’en lui.
Augustin et François se distinguent du groupe des écoliers en se montrant beaucoup plus mûrs que leurs condisciples qui singent les paroles entendues dans les débitsde boisson mais qui continuent de participer à des jeux conventionnels et stupides. Pourtant les deux amis ont gardé une pureté d’enfant en acceptant les irruptions du merveilleux. Meaulnes, bien que rural lui-même, se distingue des autres jeunes paysans par son énergie et son désir d’ailleurs ; François, par sa culture et ses références littéraires.
Le roman rapporte la lente transformation de…